Le pilote français Philippe Streiff a été victime d’un très gros accident lors des essais présaison de Formule 1 tenus sur le circuit de Jacarepagua au Brésil en mars 1989. 

Streiff fut couronné champion de France de Formule 3 en 1981 avant de grimper un échelon et de courir en Formule 2 avec la petite écurie AGS. Il remporte une victoire en F2 avec AGS en 1984 et dispute ensuite quelques Grands Prix de F1 avec les écuries Renault et Ligier.

Le Français passe deux saisons, 1986 et 1987, au sein de l’équipe Tyrrell avant de revenir à la maison chez la petite structure varoise AGS en 1988. C’est comme David contre Goliath. La JH23-Ford est élégante, mais fragile. Streiff abandonne 11 fois en 16 départs. Son meilleur résultat est une huitième place obtenue au Japon.

Mi-mars 1989, plusieurs écuries de F1 sous contrat avec Goodyear se rendent au Brésil, sur le tracé de Jacarepagua à Rio de Janeiro, pour y effectuer des essais présaison. Streiff est aux commandes de l’AGS JH23B.

Mercredi le 15 mars, le Français débute sa dernière journée d’essais. En fin d’avant-midi, l’équipe lui fait essayer de nouvelles roues. Streiff quitte les puits… et c’est la catastrophe.

À la suite très probable d’un bris de suspension, l’AGS s’écrase par terre et tire tout droit contre les rails de sécurité dans le rapide virage à droite de Suspiro. À haute vitesse, la monoplace décolle sur un vibreur, passe par-dessus les glissières et part en tonneaux effroyables, ce qui arrache l’arceau de sécurité, pourtant boulonné à la coque. Il ne reste de la voiture que la monocoque, en mauvais état.

Les premiers intervenants arrivent rapidement sur place. Le pilote est toujours dans la monocoque, vivant et conscient, mais incapable de bouger. Les commissaires, qui possèdent une expérience très limitée en désincarcération et peu de connaissances médicales, effectuent une série de mauvaises manœuvres. À la force de leurs bras, ils retournent la monocoque à l’endroit, sans ménagement, ce qui secoue la tête du pauvre pilote dans tous les sens. Puis, ils retirent son casque, dégrafent son harnais, le tirent hors du cockpit sans l’immobiliser, puis l’allongent par terre sans protection dans une civière.

Des mécaniciens de l’écurie AGS arrivent sur place, mais on leur interdit l’accès à la voiture et au pilote. Au bout de 30 longues minutes, l’ambulance arrive enfin sur place.

Streiff n’est toutefois pas tiré d’affaire, car les bourdes se multiplient. Il doit être opéré de toute urgence et pour cela un hélicoptère est dépêché sur place. Par contre, le pilote de l’hélicoptère ne sait pas où se trouve la clinique São Vicente de Rio de Janeiro spécialisée dans le traitement de lésions graves. Pire : les contrôleurs aériens sont en grève et l’hélicoptère se pose sur la plage d’Ipanema. Une autre ambulance vient récupérer Streiff et commence à rouler dans les rues congestionnées de Rio.

L’incroyable se produit. Le chauffeur de l’ambulance se perd et emprunte des petites rues défoncées qui secouent le corps meurtrit du pauvre Streiff. Apparemment, il a fallu plus d’une heure pour le transporter du circuit à la clinique, soit une distance de seulement 22km !

Après des heures d’enfer et de souffrances, le Français est enfin examiné par des médecins. Il souffre d’une double luxation de la colonne vertébrale et de l’écrasement de la neuvième vertèbre dorsale. La moelle épinière est très gravement atteinte et malgré une opération chirurgicale réalisée en urgence, son état est confirmé quelques semaines plus tard. Streiff est tétraplégique et restera paralysé à vie.

Cinq jours après l’accident, Philippe Streiff est rapatrié en France et est pris en charge par des spécialistes à l’Institution nationale des invalides à Paris. Ayant de la difficulté à respirer, l’équipe médicale procède à une trachéotomie. Cela étant, l’ancien pilote doit passer de longs mois à améliorer son réflexe de respiration.

Ce terrible accident a mis en lumière certaines défaillances de sécurité majeures de certains circuits automobiles, comme l’absence d’un service d’intervention médicale lors d’essais, carence de plans d’évacuation de pilotes blessés, rails de protection mal disposés, absence de barrières de pneus et de bacs à gravier pour ralentir des voitures en perdition et plus encore.

Par la suite, Philippe Streiff s’est trouvé une seconde carrière et est un fervent acteur de la prévention routière et de la sécurité automobile, et effectue de nombreuses missions ministérielles. Il a ensuite ouvert une piste de karting intérieur et sa société, Philippe Streiff Motorsports, a organisé le fameux Masters Kart de Paris-Bercy de 1993 à 2001.