Durant la saison 1993, l’écurie Benetton a testé une monoplace de Formule 1 munie d’un dispositif à quatre roues directrices. Quand le pilote braquait le volant, les roues avant pivotaient, ainsi que les deux roues arrière en sens inverse afin d’accroître son agilité.
Si vous vous demandez ce qu’était une Benetton F1, eh bien cette écurie est née en 1981 sous le nom de Toleman. Cette équipe est devenue Benetton en 1986, puis elle fut souvent vendue et revendue, prenant les noms de Renault, Lotus, Renault et enfin Alpine !
La Benetton B193 a été conçue par un quatuor de choc composé de Ross Brawn, Rory Byrne, Pat Symonds et Willem Toët. C’était une voiture fort classique, mais à la silhouette très ramassée, à l’aérodynamique particulièrement efficace et propulsée par le moteur Ford HB de séries 7 et 8. Ce V8 atmosphérique d’une cylindrée de 3,5 litres produisait une puissance de 700 chevaux à 13 200 tours/minute.
La B193 avait déjà récolé plusieurs podiums, mais pas de victoire quand Pat Symonds a une idée pour réduire un peu le sous-virage à l’entrée des courbes. L’ingénieur britannique a songé au système à quatre roues directrices ; un dispositif vu sur quelques modèles de voitures de série comme la Honda Legend, la Mitsubishi 3000 GTO et la Nissan 300ZX.
Le fonctionnement était fort simple : en tournant le volant vers la gauche, par exemple, la crémaillère avant faisait tourner les roues avant vers la gauche tandis que le système faisait légèrement braquer les roues arrière vers la droite, ce qui faisait "pivoter" la voiture et facilitait son entrée dans les virages. Symonds s’est dit que cette solution allait faire des miracles sur des circuits lents comme Monaco, le Hungaroring ou Adelaïde en Australie.
L’idée était bonne, mais soudainement tout a basculé quand la FIA a décidé d’interdire les aides au pilotage pour la saison 1994. Ainsi, les suspensions actives, la direction assistée, le freinage ABS, la télémesure bidirectionnelle, la transmission totalement automatique et autres gadgets seraient désormais interdits. Et cela incluait évidemment les quatre roues directrices. La direction technique de Benetton a toutefois pris la décision d’aller de l’avant et de concevoir et tester cette solution avant qu’elle ne soit bannie.
Le train arrière de la Benetton B193C était muni d’une crémaillère hydraulique activée par des électrovannes de marque Moog capables de faire pivoter les roues arrière de deux degrés dans les deux directions selon les informations reçues de plusieurs capteurs, dont un accéléromètre. En cas de défaillance du système, les roues arrière revenaient automatiquement en position droite, ou zéro. Le pilote pouvait aussi activer ou désactiver le système selon son désir.
« C’est Pat Symonds qui a eu l’idée de ce système à quatre roues directrices pour la Benetton » déclare l’ingénieur Frank Dernie dans une interview vidéo de Peter Windsor. « Richard Marshall a codé le programme informatique et conçu tout l’électronique du système et Pat a fait tout le reste. En fait, il s’agissait d’une seconde crémaillère de direction fixée à l’arrière de la voiture.»
Le premier - et seul - essai en piste de ce dispositif a eu lieu sur le circuit d’Estoril au Portugal avec les pilotes, Michael Schumacher et Riccardo Patrese. « Placées côte-à-côte, la Benetton normale [la B193] et celle à quatre roues directrices [la B193C] étaient identiques. Rien ne pouvait les distinguer » ajoute Dernie.
« C’était un système tout hydraulique. Nous pouvions modifier l’équilibre de la voiture dans les virages lents ou dans les rapides. La voiture “savait” où elle était sur la piste et à l’approche d’un virage, le roues arrière pivotaient afin d’aider la voiture à virer. Dans le virage, le système reconnaissait le survirage et le souvirage et effectuait des corrections automatiques. Si le pilote contrebraquait à la sortie d’un virage, la crémaillère arrière ne tournait pas nécessairement les roues dans la mauvaise direction, car son déplacement était géré par un accéléromètre et pas par l’angle du volant. »
Symonds avoue que si Patrese n’a pas du tout apprécié le système à quatre roues directrices, Schumacher s’est montré intéressé par ses possibilités. « Cela n’a pas rendu la voiture plus rapide. La raison est que la voiture ne disposait pas d’une meilleure adhérence, mais juste d’un peu plus de stabilité. Mais avec Michael Schumacher au volant, ce n’était pas nécessaire. Il savait très bien comment exploiter un manque de stabilité pour aller très vite dans les virages » termine Dernie.
La Benetton B193C devait participer aux deux derniers Grands Prix de la saison 1993, ceux du Japon et d’Australie. Elle n’effectua que quelques tours en essais libres à Suzuka, c’est tout. Le dispositif fut ensuite simplement déconnecté pour ces deux épreuves ; la voiture revenant donc à une configuration standard à deux roues directrices.