Au tout début de l’année 2000, le monde du sport automobile canadien est stupéfait d’apprendre par le quotidien Le Devoir qu’un homme d’affaires d’Ottawa tente de mettre sur pied une écurie de Formule 1 canadienne.
Cela étonne vraiment les experts du milieu automobile, car le pays vient justement de s’impliquer en F1 avec la création de l’écurie British American Racing par Craig Pollock, Jacques Villeneuve et les dirigeants de British American Tobacco au Royaume-Uni et ici au Canada. Cependant, en cette année 2000, il faut se souvenir que le peloton de F1 ne compte que 11 écuries, et la FIA a ouvert la porte à l’inscription d’une 12ème équipe.
Le journaliste Martin Côté avait rédigé un article dans le magazine Pole-Position au sujet de l’étrange projet que portait alors Marc Bourdeau, un conseiller en marketing qui n’était pourtant pas un grand amateur de course automobile à ce moment-là. Bourdeau avait raconté à Côté que son travail l’avait amené à assister à des courses automobiles un peu partout sur le globe et qu’il avait été consterné de constater la mainmise d’entreprises britanniques sur le sport automobile. Il avait déclaré : « J’ai eu l’idée de transférer cette expertise ici et de créer un institut de recherches en hautes technologies dédiées au sport automobile ».
Bourdeau fonde Vector Motorsport Group Inc. et s’associe à Thomas Sandor, un cadre supérieur d’une grande entreprise qui devient consultant financier du projet d’écurie F1 canadienne. Lors d’une rencontre avec Côté, Sandor montre une lettre datée du 13 décembre 1999 qui confirme qu’une somme de 48US$ millions est disponible dans un compte en banque ainsi qu’un autre document, daté de décembre 1999 et signé par Max Mosley de la FIA, qui dit prendre en considération la démarche de Vector Motorsport Group.
Dans son article, Côté a écrit que la démarche de Bourdeau avait peut-être poussé le géant japonais Toyota, qui avait l’intention de devenir la 12ème écurie de F1, d’officialiser sa décision plus vite que prévu. Une hypothèse bien difficile à vérifier.
Le plan de Bourdeau était de créer un centre de recherches dans la région de Montréal et qui aurait employé entre 300 et 500 employés. Il détenait aussi, semble-t-il, les droits sur un tout nouveau moteur et un châssis de F1 de conception britannique. Il voulait importer cette expertise au Québec afin de développer, entre autres, un moteur révolutionnaire, très puissant et ultra léger, avec l’aide de Nicholson Racing Engines au Royaume-Uni. L’écurie de F1 aurait été basée en Angleterre et dirigée par Mike Earle, l’ancien patron de l’écurie Onyx de F3000 et de F1.
Bourdeau et Sandor avaient aussi présenté leur projet au ministère des Finances et Recherches et Développement à Québec ainsi qu’à Investissements Québec. Contactés par Pole-Position, ces deux organismes nous ont déclaré ne pas être au courant de ce projet et que les personnes qui auraient pu être impliquées ne sont plus à leur service ou sont parties à la retraite.
Une nouvelle stratégie
Il semble donc que Bourdeau se soit ensuite fait doubler par Toyota au titre de 12e écurie de F1. C’est à ce moment qu'il a changé de stratégie et a tenté d’acheter une écurie existante, ainsi que son inscription au Championnat du monde. Il aurait d'abord sondé le terrain auprès des petites écuries Minardi et Arrows avant de s'intéresser à Prost Grand Prix.
En septembre 2000, on apprenait par le National Post que le groupe canadien Vector Motorsports Group Inc. renonçait à sa tentative d’acheter l'équipe Prost Grand Prix. Dans cet article, Bourdeau affirmait avoir rencontré Alain Prost à plusieurs reprises durant le week-end du Grand Prix du Canada [16, 17 et 18 juin] "et nous sommes très rapidement parvenus à un accord sur une transaction" peut-on lire dans l'article du journal de Toronto.
Lundi le 18 septembre 2000 était la date limite pour effectuer la transaction. De toute évidence, Vector ne disposait pas des fonds nécessaires. Bourdeau espérait alors qu'un autre de ses bailleurs de fonds, le gouvernement du Québec, sauverait l'accord, mais l’homme d’Ottawa a déclaré au journal que l'offre du Québec était trop basse, de sorte que sa tentative d’achat de Prost Grand Prix est tombée à l'eau.
Puis, plus rien. Le nom de Marc Bourdeau n’a plus jamais été entendu dans le monde du sport automobile canadien. Bourdeau est aujourd’hui président et chef de la direction d’Avro Bourdeau Aerospace Corp. Pole-Position a contacté les bureaux de Marc Bourdeau afin de discuter avec lui de son projet d’écurie de F1. Il n’a pas répondu à notre invitation.
La photo principale ci-haut monte la voiture de l’écurie canadienne en série A1 Grand Prix. La décoration de la Bourdeau/Vector F1 aurait peut-être ressemblé à cela…