En 1976, Guy Ligier a créé la première écurie de Formule 1 100% française. Au fil des ans, son équipe technique a produit des voitures gagnantes, mais aussi de véritables fiascos.
Ancien joueur de rugby devenu entrepreneur puis coureur automobile, Guy Ligier a beaucoup sacrifié pour faire courir une écurie française en Championnat du monde de Formule 1. Son aventure a pris fin en 1994 quand il a tout vendu au flamboyant Flavio Briatore. Puis, trois ans plus tard, Alain Prost fondait sa propre écurie de F1 sur les bases de l’équipe Ligier qu’il venait d’acheter.
Né en 1930 à Vichy au centre de la France, Guy Ligier a perdu son père lorsqu’il n’avait que sept ans. Son certificat d’études en poche, il devient, à 14 ans, commis-boucher. Doté d’un physique impressionnant et d’un caractère bien trempé, il joue au rugby pour l’équipe R.C. Vichy où il apprend à se battre et à encaisser les coups sournois.
Par après, il achète un bulldozer et fonde "Ligier Travaux Publics". Son entreprise prend vite de l’expansion grâce aux contrats qu’il obtient pour construire une section du réseau d’autoroutes françaises. En 1961, il est à la tête d’une compagnie qui emploie 1200 personnes et exploite 500 engins de chantier. Il se lie d’amitié avec des politiciens locaux qui sont François Mitterrand et Pierre Bérégovoy qui lui seront d’une grand aide quelques années plus tard.
Guy Ligier pilote un peu à moto avant de débuter en course automobile. Il court en Endurance et en F2, et dispute même quelques Grands Prix de F1. Il devient très ami avec un autre pilote, Jo Schlesser. Mais ce dernier perd la vie lors du Grand Prix de France en 1968. Dix-huit mois après la mort de son ami, Guy Ligier crée l’écurie Ligier et présente sa première voiture de course : la Ligier JS1 (JS pour Jo Schlesser).
Durant plusieurs années, les Ligier vont disputer des courses d’Endurance, incluant les 24 Heures du Mans. Son entreprise produit aussi une Ligier JS2 de route motorisée par un moteur Maserati V6. C’est à ce moment que l’écurie de course Ligier arrive à une entente de commandite avec la SEITA (Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes) de l’état français via sa marque Gitanes.
En 1974, Guy Ligier, bien soutenu par des commanditaires majeurs, aspire à créer une écurie française pour courir en F1. Il achète les actifs de l’Équipe Matra Sports qui vient de quitter la F1 et récupère ainsi un ingénieur de talent, Gérard Ducarouge, et les fameux moteurs V12 Matra à la sonorité envoutante.
La première Ligier F1 est la JS5 de 1976 surmontée de son énorme boîte à air si distinctive. Avec Jacques Laffite au volant, elle inscrit de belles performances dont une pole position et deux podiums. Un an plus tard, Laffite fait gagner une voiture de F1 100% française (châssis et moteur) en Suède, bien aidée toutefois en course par un train de pneus Goodyear hyper performant qui ne lui était pas destiné !
Pour 1979, Guy Ligier remplace le V12 Matra par un Ford Cosworth DFV. Les JS11 remportent cinq victoires. Puis, Matra revient avec ses V12. Laffite fait triompher la JS17 à deux reprises, dont au Canada en 1981 sous le déluge. “Jacquot” pouvait mathématiquement décrocher le titre mondial lors de la dernière épreuve, mais il se classera finalement quatrième au championnat.
Une spirale descendante
Les années suivantes ont été beaucoup plus difficiles. Ligier devait recevoir un moteur Matra V6 turbo, mais cela ne s’est jamais concrétisé. Ligier a pu obtenir des moteurs Renault turbo grâce à l’aide de Mitterrand, devenu Président de la République. Puis, ce fut la valse des châssis ratés et des moteurs anémiques et fragiles comme le Megatron, l’Alfa Romeo, le Cosworth, le Judd et le Lamborghini. À court d’argent, l’écurie Ligier doit parfois interdire à ses pilotes de rouler lors des week-ends de Grands Prix pour économiser les moteurs et les pièces de rechange.
En 1994, Flavio Briatore dirige l’écurie Benetton qui utilise un moteur Ford Zetec-R. L’écurie Ligier possède un contrat avec Renault. Briatore achète donc l’équipe Ligier et récupère ainsi les formidables moteurs Renault RS7 en faveur de Benetton et son pilote vedette, Michel Schumacher.
En 1995, l’écurie Ligier est dirigée par Tom Walkinshaw. Le châssis de la Ligier JS41 est en fait une copie de celui de la Benetton B195, sauf que la Ligier est motorisée par un moteur Mugen-Honda. Olivier Panis fait gagner la Ligier JS43 dans les rues détrempées de Monaco en 1996 ; la première victoire d'une Ligier depuis 15 ans ! Ce sera aussi la dernière…
Guy Ligier quitte définitivement son poste courant 1996. Personnage sans compromis, il était audacieux et d’une volonté inébranlable. Ligier s’est formé tout seul et a encaissé de nombreux coups durs durant sa carrière. Capable de piquer des pires colères, il était incroyablement passionné et il s’est férocement battu contre vents et marées pour créer et faire vivre une écurie de F1 100% française.
À ce moment-là, cela fait quelques années que le quadruple Champion du monde de F1, Alain Prost, songe à diriger une écurie. La possibilité d’acquérir Ligier et de la transformer en Prost Grand Prix se dessine. Mais un tel achat est tout sauf simple, car Prost désire évidemment faire accepter le changement le nom de l’écurie tout en continuant à bénéficier des avantages offerts par l'association des constructeurs de F1 comme les primes de départ et d'arrivée, redistributions des sommes générées par les télévisions à péage, tarifs préférentiels pour le transport du matériel et autres.
Prost parvient à régler tous les soucis et arrive à un accord de fourniture de moteurs V10 avec Peugeot, car comme Guy Ligier, il désire inscrire une écurie 100% française.
Le 13 février 1997 à Genève, Prost et ses avocats règlent les ultimes modalités de rachat de l’écurie Ligier à Flavio Briatore. Quelques heures plus tard, l’écurie Prost Grand Prix était officiellement née.