L’écurie de Formule 1 fondée par le quadruple Champion du monde Alain Prost n’a vécu que cinq saisons. Avec seulement 35 points et trois podiums, l’équipe du “Professeur” a été une grande déception.
Alors qu’il est encore pilote de F1, Alain Prost se rapproche des écuries McLaren et Ligier afin de tâter le terrain et voir quel rôle de dirigeant il pourrait jouer une fois sa carrière sportive terminée.
Après de longs mois de tergiversation, le Français décide de plonger et achète l’écurie Ligier à Flavio Briatore en février 1997 pour 12 millions de dollars. La première voiture Prost F1 est en fait la Ligier JS45 à moteur Mugen-Honda dessinée par Loïc Bigois. Pas très rapide et surtout extrêmement fragile, elle est décevante en dépit des deux podiums décrochés par Olivier Panis avant qu’il ne se facture une jambe dans un accident survenu lors du Grand Prix du Canada à Montréal.
La première vraie Prost F1, la AP01, apparaît pour la saison 1998. C’est du solide. Peugeot assure la fourniture de moteurs V10 tandis que l’engouement envers le projet franco-français permet de faciliter la signature de plusieurs commanditaires majeurs comme Gauloises, Total, Bic, Canal +, Alcatel, Playstation, AGFA, Sodexo, etc.
Toutefois, une bonne partie du budget est engloutie dans la production de l’AP01 et surtout dans la construction d’une nouvelle usine flambant neuve dans le quartier des sangliers à Guyancourt près de Versailles.
Dès les premières courses de 1998, l’équipe rencontre des gros soucis de boîte de vitesses. L’AP01 souffre aussi du manque de puissance du moteur Peugeot, dérivé du bloc de la 905 qui a gagné les 24 Heures du Mans en 1993, mais qui n’est pas à la hauteur pour courir en F1. McLaren s’en était bien rendu compte en 1994… Une saison à oublier.
L’AP02 de 1999, munie d’un moteur Peugeot “amélioré“, permet à Jarno Trulli de terminer second au Grand Prix d’Europe. Toutefois, à l’exception de quelques bonnes qualifications, l’AP02 ne fait pas d’étincelles.
En 2000, l’AP03, composée de 3000 nouvelles pièces, déçoit dès ses premiers essais. Elle abandonne à 23 reprises en 34 départs. Certains critiquent publiquement le manque de puissance du moteur Peugeot, notamment Alain Prost et son pilote Jean Alesi. Insultés, les techniciens Peugeot se mettent en grève avant le départ du Grand Prix de France. Il faut avouer que 53 moteurs Peugeot ont cassé durant la saison. Au final, Peugeot, qui prépare à effectuer son retour en rallyes mondiaux, décide de quitter la F1.
Une solution coûteuse
Pour la saison 2001, Prost n’a d’autre choix que de louer des moteurs Ferrari, rebaptisés Acer, au coût de 28 millions de dollars. Puis, par suite de la perte de plusieurs commanditaires majeurs, Prost cède une partie du capital de son écurie à la riche famille du pilote brésilien Pedro Diniz. L’AP04 est une catastrophe. Cinq pilotes se succèdent à son volant, sans grands résultats. Prost et Alesi se disputent fréquemment.
L’argent commence à manquer. La location des moteurs coûte très cher, les châssis détruits doivent être remplacés et la masse salariale des employés est importante. L’écurie n’a même pas les moyens financiers d’effectuer des essais en cours de saison. À l’automne, les coffres sont vides.
Le 22 novembre 2001, l’écurie Prost Grand Prix, qui a accumulé une dette de 30,5 millions d'euros (44 millions de dollars canadiens) est mise en redressement judiciaire. Durant deux mois, Alain Prost et l'administrateur judiciaire chargé du dossier, maître Franck Michel, tentent de trouver de nouveaux investisseurs, des partenaires aux reins solides et des commanditaires majeurs. Ils n’y parviennent pas.
Lundi le 28 janvier 2002, le tribunal de commerce de Versailles prononce la mise en liquidation judiciaire de Prost Grand Prix. À ce moment, le capital de Prost Grand Prix est détenu à 51,3% par Alain Prost, à 40 % par la famille de Pedro Diniz, à 5,8% par LV Capital, filiale de LVMH, et à 2,9% par Yahoo! Les 200 employés sont licenciés. C’est la fin.
Plusieurs années plus tard, Alain Prost expliquera aux médias que la disparition de son écurie était “un échec total de la France”, soulignant qu'il n'y a “jamais eu le moindre contact, ni avec un commanditaire, ni avec un investisseur ou un repreneur français”.
Le Français, qui a réussi sa carrière sportive, mais raté sa reconversion en patron d’écurie, précise que l’accord avec Peugeot avait été modifié au dernier moment. Prost comptait d’abord sur une fourniture de moteurs gratuits pendant cinq saisons. Mais à la suite de l’arrivée d’un nouveau patron, Jean-Martin Folz, à la tête de Peugeot, le constructeur a réduit cette entente à seulement trois ans. Prost avoue que s’il avait su les implications de ce changement de garde plus tôt, il n’aurait probablement pas acheté l’écurie Ligier en 1997.
Les actifs de Prost Grand Prix furent achetés par un énigmatique consortium britannique appelé Phoenix Finance et dirigé officiellement par Charles Nickerson et soutenu par Tom Walkinshaw, patron de l’écurie Arrows.
Les Prost AP04B bricolées à la hâte furent expédiées aux sites des premiers Grands Prix de la saison, mais elles n’ont jamais roulé.