Avant de devenir président de la FIA, le Français Jean Todt a connu une carrière sportive bien réussie à titre de co-pilote en rallyes, patron de l’écurie Peugeot Talbot Sport et enfin directeur de la Scuderia Ferrari F1.
Son style de gestion sans compromis a éclaté au grand jour lorsqu’il a désigné, comme patron de Peugeot Sport, le gagnant du raid Paris-Dakar de 1989 par un tirage au sort à pile-ou-face avec une pièce de 10 francs.
Ce long raid, disputé dans le désert du nord de l’Afrique, avait déjà connu des moments rocambolesques lors de l’édition 1988 quand la Peugeot d’Ari Vatanen avait été volée durant une journée de repos. La voiture avait été retrouvée, mais le retard occasionné par les recherches avait fait rater le départ de la spéciale à Vatanen, ce qui lui a valu d’être exclu de l’épreuve par les commissaires.
Un an plus tard, l’équipe Peugeot, toujours dirigée par Todt, est ultra favorite avec ses 405 T16 pilotées par Vatanen, Champion du monde des rallyes en 1981, et un nouveau venu dans l’écurie, le Belge Jacky Ickx, la star de la Formule 1 et de l’endurance.
Todt n’a pas hésité à confronter deux coqs dans la même basse-cour et il s’est vite rendu compte qu’il avait concocté un cocktail détonnant !
Un début de course… animé !
Dès le prologue de 6,3 km, Vatanen, titillé par la présence d’Ickx, expédie sa 405 dans un magnifique tonneau après avoir parcouru à peine 300 mètres ! La Peugeot n’est pas trop endommagée, mais l’incident montre que les deux pilotes ne sont pas des coéquipiers, mais des adversaires.
Une fois le raid vraiment commencé, Ickx prend la tête et gère bien son avance sur ses rivaux, notamment sur Vatanen qui pousse vraiment fort. Durant la 11e étape qui va de Niamey au Niger à Gao au Mali, les deux pilotes foncent sans garder une petite marge de sécurité. Ça passe ou ça casse.
Sur des pistes complètement défoncées par les pluies diluviennes, Vatanen attaque sans relâche et revient à deux minutes d'Ickx au classement général. À foncer un peu trop fort, il commet une faute et expédie sa Peugeot en tonneaux (une seconde fois).
Il rejoint le bivouac au volant d’une 405 bien cabossée, le toit enfoncé et le pare-brise éclaté. Un motard qui a assisté à la scène confie à Todt que Vatanen n’a pas percuté la branche d’un arbre comme il le prétend, mais bien qu’il attaquait trop fort.
C’en est trop pour Todt qui, à titre de directeur sportif de Peugeot Sport, doit faire primer les intérêts du constructeur automobile français sur ceux de ses poulains. Les deux Peugeot 405 possèdent plus de deux heures d’avance sur leurs rivales et Todt refuse catégoriquement qu’une voiture - ou pire, les deux - abandonnent à la suite d’accidents.
Todt va donc mettre fin à ce duel. Au lieu de dicter de simples consignes, il décide du vainqueur par un tirage au sort. Il sort une pièce de 10 francs français de sa poche et annonce que le gagnant du tirage sera aussi celui qui remportera la victoire de ce Paris-Dakar !
Vatanen dit “pile” et c’est lui qui gagne. C’est donc lui qui sera le vainqueur du raid. Bon perdant, Ickx accepte la décision. Mais les choses vont devenir pas mal plus compliquées en fin de course…
Une autre erreur de Vatanen
Au cours des trois étapes suivantes, Vatanen reprend la commande de l’épreuve tandis qu’Ickx assure le second rang. Au départ de la 16e et avant-dernière étape qui relie Tambacounda à Saint-Louis sur 512 km, Vatanen commet une énorme erreur de navigation.
Au départ, les deux 405 se suivaient, mais elles ont pris des directions différentes à la sortie d’un village. Ickx croit que Vatanen le suit de loin, mais il n’en est rien ! Le Finlandais réalise son erreur et perd de longues minutes à retrouver le bon chemin. Ickx croise l’arrivée de l’étape avec six minutes d’avance sur lui et reprend la tête de l’épreuve. Vatanen est furieux. Il est convaincu qu’Ickx a attaqué comme un fou et brisé sa promesse. Par chance, Todt écoute les explications d’Ickx et n’intervient pas.
La 17e et dernière étape de 257 km relie Saint-Louis à Dakar. Ickx impose un rythme d'enfer. Il élabore un plan qui respecte les ordres donnés par Todt tout en démontrant qu’il est bel et bien le vainqueur moral du Paris-Dakar.
Ainsi, à 200 mètres avant l’arrivée sur les plages du lac Rose, il immobilise sa 405. Il attend patiemment que Vatanen arrive, le double et croise le fil. Puis, il démarre le moteur de sa voiture et parcourt les derniers mètres pour se classer second avec un retard de 3’44”.
Ickx a tenu parole et respecté son contrat. Et Todt venait de marquer les esprits.