La monde du sport automobile 1 a connu des accessions rapides à la Formule 1 ; des pilotes qui n’ont vraiment pas perdu de temps et sont passés incroyablement vite du karting à la F1. On n’a qu’à penser à Jim Clark et à Graham Hill (quatre ans entre leur première course automobile et leur premier départ en Grand Prix), Sebastian Vettel (quatre saisons entre ses débuts en Formule BMW et son premier Grand Prix) et Kimi Raïkkönen qui n’a disputé que 23 courses de Formule Renault avant de sauter dans le baquet d’une Sauber F1 !
Emerson Fittipaldi est arrivé en Europe de son Brésil natal en 1969. Bien qu’il a couru à motos, en karting et en Formule Vee en Amérique du Sud, il est totalement inconnu en Europe et spécialement au Royaume-Uni.
Armé de son casque, de sa combinaison et de quelques sous accordés par des commanditaires brésiliens dont les stations-services Varga, Emerson, âgé de 21 ans, s’accorde quelques mois pour s’illustrer en course et ainsi obtenir un volant gratuit pour poursuivre sa carrière.
Aux commandes d’une Merlyn, il s’impose à plusieurs reprises en Formule Ford britannique et est vite repéré par Jim Russell, le patron d’une école de pilotage et d’une écurie de compétition qui porte son nom. Russell est vraiment impressionné par le style de pilotage tout en finesse du Brésilien, et il le recommande chaudement à Colin Chapman de Lotus.
Fittipaldi n’est arrivé en Europe que depuis quelques mois qu’il saute déjà à l’étape suivante, la Formule 3. Au volant d’une Lotus 59 de l’écurie Jim Russell, Fittipaldi déroche neuf victoires et remporte le MCD Lombank F3 Championship. Il a parfaitement rempli son contrat et vise plus haut, évidemment.
Quelques mois plus tard, la saison 1970 démarre et Fittipaldi, sur qui Jim Russell veille toujours, est nommé pilote de l’écurie semi-officielle Lotus Bardahl qui dispute le Championnat d’Europe de Formule 2 avec une Lotus 69. Il termine sur le podium à quatre reprises et se classe troisième au championnat tout en ayant raté une épreuve.
Jim Russell et Colin Chapman sont éberlués par le talent, le style de pilotage et la maturité du jeune Fittipaldi. Ce dernier vient de signer une troisième place à Barcelone et une deuxième à Rouen-Les-Essarts en F2 quand Chapman lui annonce qu’il fera ses débuts en Grand Prix le 18 juillet au volant d’une “vieille” Lotus 49C aux côtés de Jochen Rindt et de John Miles qui disposent des nouvelles Lotus 72.
Fittipaldi croit rêver ! Non seulement il a réussi son pari à courir en Europe, mais il va débuter en Formule 1 au sein d’une des meilleures écuries du plateau ! Sur le tracé de Silverstone, il se qualifie 21e sur 23, mais termine la course en huitième place.
Abandonnant temporairement la Formule 2, Fittipaldi dispute ensuite le Grand Prix d’Allemagne à Hockenheim où il termine quatrième (excusez un peu) et celui d’Autriche, toujours à bord de sa “vieille” 49C où il perd beaucoup de temps à cause d’une panne d’essence qui l’oblige à passer par les puits pour faire ajouter quelques litres de carburant.
Grosse gaffe à Monza...
Fittipaldi est inscrit au Grand Prix d’Italie, mais cette fois au volant d’une Lotus 72 toute neuve. Lors des permiers essais, le Brésilien, très (trop ?) impressionné, freine trop tard dans un virage. Sa belle Lotus quitte la piste à haute vitesse et termine sa course dans des arbres. Fittipaldi n’est pas blessé, mais Chapman, en colère, lui fait passer un mauvais quart d’heure.
Quelques heures plus tard, le Team Lotus est anéanti par l’accident mortel de Jochen Rindt. Les Lotus sont vite évacuées du circuit et l’écurie, en deuil, fait l’impasse sur le Grand Prix suivant, celui du Canada à Mosport.
Le Team Lotus termine la saison 1970 au Grand Prix des États-Unis à Watkins Glen. Les pilotes officiels sont Reine Wisell et Emerson Fittipaldi. Le Brésilien reprend la Lotus 72C-Ford qu’il a endommagée en Italie et se qualifie au troisième rang derrière Jacky Ickx (Ferrari 312B) et Jackie Stewart (Tyrrell 001-Ford).
Un pluie fine tombe sur le tracé américain au moment du départ. Fittipaldi, qui souffre d’un gros rhume, est super prudent et boucle le premier tour en huitième place. Mais le Brésilien est vraiment content de la tenue de route de sa monture. La pluie s'arrête et il hausse le rythme. Il double des rivaux et profite du passage aux puits de la Ferrari de Jacky Ickx et des ennuis de moteur de la Tyrrell de Jackie Stewart pour grimper au second rang derrière le meneur, Pedro Rodriguez sur une BRM.
Le moteur V12 BRM est toutefois glouton en carburant. Rodriguez ralentit afin de sauver un peu d’essence. Lui qui possédait 15 secondes d’avance sur Fittipaldi voit ce chiffre chuter à 12, puis à 10 secondes. L’équipe le fait rentrer aux puits avec seulement sept tours à parcourir pour y ajouter quelques litres d’essence. L’arrêt dure une éternité ; près de 50 secondes !
Fittipaldi hérite donc la commande de la course. Il demeure concentré même s’il n’arrive pas à croire qu’il va remporter la victoire. Le drapeau à damier est agité devant lui après 108 tours de course. Rodriguez arrive au second rang avec 36”2 de retard sur Fittipaldi tandis que Reine Wisell, sur l’autre Lotus 72, termine au troisième rang avec 44”9 de retard.
Emerson Fittipaldi décroche ainsi sa première victoire en F1 à 23 ans, à seulement son quatrième départ en Grand Prix (car on ne compte pas l’Italie, puisqu’il n’a participé qu’aux essais libres) et à peine un an et demi après être arrivé au Royaume-Uni rempli d’espoirs, mais les poches presque vides.
En à peine 20 mois, Fittipaldi est passé du rang de bon pilote de Formule Ford 1600 à celui de vainqueur de Grand Prix de F1 ! Quand on parle d’ascension météorique, le cas de Fittipaldi est vraiment exceptionnel !
Durant sa carrière en F1, Fittipaldi a remporté 14 victoires et a été sacré Champion du monde en 1972 avec Lotus puis en 1974 avec McLaren. Il perdra ensuite cinq années à se battre aux commandes des voitures Copersucar et Fittipaldi peu compétitives ; des bolides 100% brésiliens créés par Emerson et son frère Wilson.
Après avoir mis sa carrière sur pause, “Emmo” revient en sport automobile, en série CART IndyCar où il remporte de grands succès, Champion de la série en 1989, il gagne les 500 Milles d’Indianapolis à deux reprises. En 2008, il dispute sa dernière course, chez lui au Brésil, à bord d’une Porsche 997 GT3 en compagnie de son frère.