La prestigieuse écurie de Formule 1 Lotus, fondée par Colin Chapman, a disputé son dernier Grand Prix le 13 novembre 1994 en Australie sur le circuit urbain d’Adélaïde.
Pour les plus jeunes lecteurs, si le nom Lotus ne vous dit pas quand chose, sachez que cette écurie britannique a connu autant de succès que les grandes équipes qui ont marqué l’histoire de la Formule 1 telles Ferrari, Brabham, McLaren et Tyrrell.
Je parle ici de la véritable écurie Lotus, pas de ces deux postiches qui se sont appropriées le nom Lotus durant les années 2000 : l’écurie créée en 2010 par l’investisseur malaisien Tony Fernandes d’Air Asia, puis une autre, “Lotus Renault GP”, fruit de Gérard Lopez de la société d’investissements Genii. Ou même l'écurie Pacific qui a utilisé le nom Lotus en 1995.
L’histoire commence quand Colin Chapman produit ses premières voitures de trial et des voitures de production. Puis, Chapman fabrique ses premières monoplaces et son Team Lotus débute en F1 au Grand Prix de Monaco 1958 en engageant deux Lotus 12 à moteurs Climax pour Graham Hill et Cliff Allison. Ce dernier termine la course en sixième place tandis que Hill abandonne sur bris de moteur au 69e tour.
Au fil des saisons, Lotus devient synonyme de grands pilotes et de champions : Graham Hill, Jim Clark, Jochen Rindt, Mario Andretti, Emerson Fittipaldi, Ronnie Peterson, Nigel Mansell, Ayrton Senna, Carlos Reutemann pour ne nommer ce ceux-là. La liste complète est trop longue. Cent quarante-cinq pilotes au total ont pris les commandes d’une Lotus F1 !
Après le titre acquis par Mario Andretti à bord de la sublime Lotus 79-Ford en 1978, le Team Lotus a commencé à perdre de son lustre. En 1982, Colin Chapman meurt subitement d’un arrêt cardiaque. Peter Warr prend sa relève et recrute Ayrton Senna qui signe la dernière victoire de Lotus au Grand Prix des États-Unis à Détroit en 1987.
Lotus glisse vers le gouffre
Malgré l’arrivée de Nelson Piquet, du motoriste Honda et du cigarettier Camel en 1988 et 1989, les résultats du Team Lotus sont décevants. Puis, entre 1990 et 1994, on assiste à la valse des moteurs : V12 Lamborghini, V8 Judd, V8 Ford Cosworth et V10 Mugen-Honda.
L’écurie a de moins en moins de budget et vivote. De bons pilotes se succèdent dans le baquet des Lotus 102B, 107, et 107B tels Mika Häkkinen, Johnny Herbert et Alessandro Zanardi, mais ils sont évidemment incapables de faire des miracles.
L’écurie Lotus, sous la direction de Peter Collins et de Peter Wright, démarre la saison 1994 avec une paire de Lotus 107C créées par Wright et Chris Murphy. Par la suite, une Lotus 109 prend la relève, mais elle manque cruellement de fiabilité.
L’équipe a du mal à payer ses fournisseurs et des huissiers commencent à roder autour des ateliers. Le 12 septembre 1994, au lendemain du Grand Prix d’Italie, l'équipe demande à être placée en redressement judiciaire afin de se protéger de ses créanciers. C’est à ce moment que David Hunt, le frère du Champion du monde de F1 de 1976, James Hunt, achète l'écurie et en devient le propriétaire légal.
Un dernier Grand Prix décevant
L’équipe Lotus n’a marqué aucun point au championnat du monde quand elle se rend en Australie pour y disputer le dernier Grand Prix de la saison le 13 novembre. Mika Salo est aux commandes de la voiture No. 11 tandis qu’Alessandro Zanardi est dans la No. 12 (photo ci-dessus). Ce dernier se qualifie en 14e position alors que Salo connaît des ennuis techniques et se retrouve loin sur la grille en 22e position.
La course n’apporte aucune satisfaction. L’Italien abandonne après 40 tours par suite d’ennuis d’accélérateur tandis que le Finlandais se retire aussi à cause d’une panne électrique. Les membres de l’écurie, maintenant sous les ordres de David Hunt, ne se doutent pas une seule seconde qu’il s’agit du dernier Grand Prix du Team Lotus.
La petite équipe retourne au Royaume-Uni. Collins et Wright y croient encore, mais les frictions s’intensifient entre eux et Hunt. L’équipe technique commence à travailler sur la prochaine voiture, la Lotus 112. Mais en décembre 1994, le travail est stoppé et les employés sont soudainement licenciés.
Le Team Lotus est liquidé le 13 février 1995 et un état des lieux, effectué sous serment, montre que l’entreprise faisait face à des dettes estimées à 12 millions de livres sterling (soit environ 20,5 millions de dollars canadiens au taux de change actuel).
La fille de Peter Collins, Samantha Collins, a rédigé un texte sur la fin de l’écurie Lotus. Elle explique qu’au jour du redressement judiciaire, l’avenir du Team Lotus fut placé entre les mains de comptables qui ont vendu les contrats, le nom “Lotus” et les actifs de l’écurie à David Hunt.
Elle affirme que Hunt a fait de belles promesses, mais qu’en fait, il a presque instantanément licencié la quasi-totalité de l'équipe et s'est lancé dans une bataille juridique houleuse et malavisée avec un certain nombre de personnes qui avaient été loyales et dévouées à l'équipe. Elle termine en écrivant : “Il [David Hunt] n'a tout simplement jamais saisi le cœur et l'âme du Team Lotus !”
Triste fin pour une écurie de F1 au passé glorieux.