La chasse au titre de Champion du monde de Formule 1 de 1987 s’est terminée d’une façon étonnante et imprévisible lors du Grand Prix du Japon, avant-dernière épreuve de la saison.
Lorsque la petite communauté de la Formule 1 arrive à Suzuka pour y disputer le Grand Prix du Japon en 1987, les deux pilotes de l’écurie Williams-Honda sont en lutte pour se mériter la couronne mondiale.
Le Brésilien Nelson Piquet occupe le premier rang du classement avec 73 points tandis que son rival, le Britannique Nigel Mansell, est second avec 61. Pourtant, ce score reflète mal la saison qui s’est déroulée jusque-là. En 14 courses, Mansell avait remporté six victoires contre seulement trois pour Piquet. En revanche, le Brésilien avait terminé sept fois en second place et le Britannique à moustaches de phoque avait abandonné à cinq reprises. Le panache contre la régularité…
Il faut avouer que les relations entre les deux pilotes Williams a toujours été extrêmement tendue. C’est pire qu’entre chien et chat. Les deux se détestent et les coups bas volent, surtout en paroles désobligeantes. Les deux sont d’excellents pilotes, mais un est un artiste, Piquet, tandis que l’autre est un guerrier, Mansell.
Piquet victime d’un gros crash au virage Tamburello
Ce qui ne paraît pas dans ces statistiques de 1987 est que Piquet a souffert durant toute l’année des séquelles d’un accident survenu lors de la deuxième manche sur le circuit d’Imola au Grand Prix de San Marino. Lors des essais du vendredi, la Williams de Piquet, victime d’une crevaison, a percuté le mur du virage de Tamburello comme l’a fait celle d’Ayrton Senna en 1994.
Piquet terriblement a souffert de maux de tête, d’étourdissements, d’une perte de 80% de la profondeur de son champ de vision et il n’arrivait à dormir durant plus de trois heures d’affilée durant les mois qui suivirent l’accident.
Plusieurs années après avoir pris sa retraire, Piquet a avoué qu’il n’était plus aussi rapide au volant après cet accident et qu’il avait eu très peur que les médecins de la FIA lui interdise de piloter. C’est pour cette dernière raison qu’il n’a rien dit et tout caché de son état de santé.
Après son retour derrière le volant de sa Williams-Honda No. 6 dès le Grand Prix suivant, disputé en Belgique, Piquet prend la décision de “faire du mieux qu’il peut”, sachant qu’il a du mal à piloter à la limite et qu’il est très en dessous de ses capacités. Il laisse donc Mansell récolter les victoires tandis qu’il se contente de le suivre et d’amasser les secondes places. Par contre, cela est complexifié par le fait que le règlement sportif de l’époque ne comptabilise pas tous les résultats de la saison, mais seuls les onze meilleurs.
Le duel Piquet-Mansell reprend vendredi le 30 octobre 1987 sur le circuit de Suzuka. Lors de la première séance de qualification, Mansell signe le meilleur chrono, mais constate soudainement que Piquet roule une seconde plus vite que lui. Piqué au vif, Mansell retourne en piste avec une seule idée en tête : battre Piquet. À ce petit jeu, il commet une énorme bourde.
Il arrive beaucoup trop vite dans un virage. La Williams escalade le vibreur et glisse en sortie de virage. Déséquilibré, le bolide effectue un tête-à-queue, s'écrase par l'arrière contre une pile de pneus, exécute un bond terrifiant et retombe bien à plat sur la piste avec une grande violence.
Mansell retire son casque et hurle de douleur. Il est touché au cou et à la colonne vertébrale ; des zones sensibles pour lui qui s'est déjà abîmé les vertèbres lors de deux accidents survenus en 1977 et 1979. Il est évacué par hélicoptère vers l'hôpital universitaire de Nagoya. Même s’il n’a rien de fracturé, sa saison est terminée. Son forfait du Grand Prix du Japon signifie que Piquet est Champion du monde. Reste à disputer la course.
Piquet se qualifie au cinquième rang derrière Gerhard Berger en pole position sur sa Ferrari, Alain Prost (McLaren), Thierry Boutsen (Benetton) et Michel Alboreto (Ferrari). Durant la course, Piquet se contente de suivre un autre Brésilien, Ayrton Senna, qui pilote une Lotus-Honda. Mais au 46e tour, le moteur Honda V6 turbo de la monoplace de Piquet casse et vomit toute son huile.
C’est officiel : Piquet est Champion du monde pour la troisième fois de la carrière. Ce titre n’a pas été facile à acquérir, car la lutte impitoyable qu’il a livré à Mansell fut intense, pas toujours très loyale, presque irrespectueuse.
Piquet quitte d’ailleurs l’écurie Williams quelques semaines plus tard en faveur du Team Lotus où il sera véritablement le pilote No. 1 avec tous les privilèges qui s’y rattachent. Dans ses bagages, Piquet apporte avec lui des moteurs Honda turbo…