Fin 1977, sachant que le monde de la Formule 1 ne veut plus courir à nouveau sur le tracé de Mosport Park, les organisateurs de l’événement présentent un projet de tenir l’événement dans les rues de Toronto. Si ce plan avait été accepté, le Grand Prix n’aurait jamais déménagé sur l’Ile Notre-Dame à Montréal.
Voici l’histoire de cette idée qui est pourtant née au cours des années 60. En effet, le 4 décembre 1968, le conseil de ville de Toronto approuve une proposition faite par un groupe appelé “Lakeshore Auto Raceway Holdings Ltd” composé de l’administration du journal “The Telegram”, du pilote canadien George Eaton et de gens d’affaires pour présenter l’édition 1968 du Grand Prix du Canada sur les terrains du C.N.E. (Canadian National Exhibition) à Toronto.
Car souvenez-vous qu’à l’origine, le Grand Prix du Canada était une affaire d’une seule édition destinée à commémorer le Centenaire du Canada en 1967. Cette première édition avait eu lieu sur le circuit routier de Mosport Park en Ontario.
Après avoir goûté au spectacle de la Formule 1, difficile de s’en passer ! Alors des passionnés ont décidé de former ce groupe, “Lakeshore Auto Raceway Holdings Ltd”, afin de faire revenir les voitures de F1 au Canada, mais cette fois sur un tracé urbain qui emprunterait les rues de Toronto.
Mais face à opposition du Ministère des Transports de l’Ontario (qui avait juridiction du boulevard du Lake Shore) et des propriétaires du circuit de Mosport Park, l’affaire ne s’était pas concrétisée.
Après plusieurs négociations politiques, le Grand Prix du Canada de 1968 fut finalement présenté sur le circuit du Mont-Tremblant à St-Jovite. En 1969, selon une règle d’alternance, le Grand Prix retourna à Mosport Park avant de revenir au Mont-Tremblant en 1970. Puis, les pilotes et dirigeants de la F1 refusèrent de retourner au Mont-Tremblant pour des raisons politiques (encore) et jugeant la piste en trop mauvais état. C’est ainsi que le Grand Prix du Canada demeura à Mosport jusqu’en 1977.
Le circuit de Mosport, jugé trop dangereux, ne plaît pas du tout aux autorités, aux écuries et pilotes de F1. Il faut trouver une autre scène et ce sont les propriétaires du circuit ontarien qui, au printemps 1977, ressortent le projet de circuit urbain de Toronto présenté en 1968.
Le circuit proposé ressemble fortement à celui qui fut utilisé à partir de 1986 pour le Toronto Indy (la photo ci-dessous montre la voiture IndyCar de Graham Rahal passant devant Princes’ Gate). Pour la F1, le circuit tournait dans le sens des aiguilles d’une montre et devait emprunter les rues existantes du C.N.E., le boulevard Lake Shore, l’ancienne rue Dominion, contourner la fontaine Princess Margaret, traverser le stade de baseball/football, rouler sur Princes’ Boulevard, tourner à droite face à Princes’ Gate pour rejoindre le Lake Shore par Automotive Road (devenu Canada Boulevard). Un passionné de sport automobile italien, Guido de Carli, nous a gracieusement offert son dessin du circuit.
Le circuit mesurait 3499 mètres, mais sa longueur passait à 3700 mètres si les voitures faisaient le tour de la fontaine Princess Margaret.
Cette fois, le projet a le soutien imprévu de Mosport Park et de son patron, Harvey Hudes. « Le succès du circuit urbain de Long Beach nous a convaincus que l'utilisation du C.N.E. nous procurerait un emplacement idéal [pour présenter la course] » déclarait alors Hudes dans les pages du magazine italien Autosprint.
« On a achevé la construction d'un stade qui peut loger 52 000 spectateurs à un seul endroit. La ligne de départ/arrivée pourrait être située à l'intérieur du stade où seraient également installés les puits et les différents services nécessaires à une telle course. Il n’est donc pas utopique de penser que nous pourrions accueillir 300 000 spectateurs sur le site. Il nous suffit de convaincre les autorités concernées qu'un tel événement apporterait un bénéfice économique important à la ville de Toronto ».
Afin de traverser le stade, les organisateurs avaient prévu d'asphalter une bande de piste qui traversait le milieu du terrain. La couche d’asphalte aurait été posée sur la surface du stade et aurait été recouverte d’un tapis vert synthétique une fois la course terminée pour permettre la reprise des sports.
Tel que relaté dans notre texte du 26 mai dernier, le conseil municipal de Toronto a annoncé le 5 décembre 1977 qu’après une courte réflexion il refusait de tenir le Grand Prix du Canada au C.N.E. de Toronto. Il faut préciser que la Brasserie Labatt détenait alors des droits d’organisation du Grand Prix et qu’elle allait commanditer Gilles Villeneuve qui venait tout juste de signer son contrat avec la Scuderia Ferrari.
Par la suite, les choses ont déboulé. Le 6 décembre 1977, la brasserie dévoilait qu’elle allait présenter le Grand Prix du Canada 1978 à Montréal ! Le 8 octobre 1978, Gilles Villeneuve remportait sa première victoire en F1 sur le circuit de l’Île Notre-Dame à Montréal.