En septembre 1970 et pour la seconde fois dans l’histoire, le grand cirque de la Formule 1 plante son chapiteau au magnifique circuit du Mont-Tremblant dans les Laurentides pour y présenter la quatrième édition du Grand Prix du Canada.
Cette course représente l’occasion de voir en vrai la toute première voiture de F1 conçue et fabriquée par l’écurie de Ken Tyrrell sous la direction de Derek Gardner. Cette unique Tyrrell 001 à moteur Ford DFV est confiée à l’Écossais Jackie Stewart.
Les écuries se regroupent dans le paddock, mais il y a un absent de taille : le Team Lotus. En effet, Colin Chapman a décidé de faire l’impasse sur cette course puisque son pilote numéro 1, Jochen Rindt, a perdu la vie lors de l’épreuve précédente en Italie à Monza. De plus, son second pilote, John Miles, choqué par le décès de Rindt et échaudé par ses propres accidents, a décidé de mettre sa carrière sur pause.
À ce moment, Rindt possède 20 points d'avance sur ses deux adversaires immédiats, Jack Brabham et Jackie Stewart tandis que Denny Hulme, Clay Regazzoni et Jacky Ickx peuvent aussi prétendre au titre.
Avant les premiers essais, les pilotes se plaignent de l’état déplorable de la piste, rendue assez bosselée par les hivers. Les glissières sont soit insuffisantes, soit mal disposées, et les aires de dégagement sont trop petites. Malgré tout, l’action débute et ce circuit vallonné va mettre à mal les transmissions et les suspensions.
Jacky Ickx, sur une Ferrari 312B, réalise le meilleur temps des essais du vendredi. Le Belge a commencé sa carrière internationale en 1966 en débutant en F1 avec Tyrrell et en participant aux 24 Heures du Mans. En 1969, il gagne au Mans et se classe second au championnat du monde de F1 avec Brabham. En 1970, il passe chez Ferrari, mais sa première moitié de la saison est désastreuse avec cinq abandons en sept épreuves. Par contre, Mauro Forghieri a amélioré la 312B et Jacques Bernard “Jacky” Ickx vient de terminer second en Allemagne et a décroché une victoire en Autriche.
C’est toutefois la nouvelle Tyrrell-Ford qui réalise la pole position grâce à un tour parfait de Stewart au dernier moment, réalisé en 1’31”5. Ickx est second avec un retard d’un petit dixième de seconde. Puis, on retrouve Clay Regazzoni sur l’autre Ferrari en 1’31”9 et François Cevert de l’équipe Tyrrell sur une March 701-Ford en 1’32”4. Un seul Canadien est inscrit : il s’agit de George Eaton, l’héritier de la chaîne de magasins Eaton, qui se qualifie en neuvième place au volant d’une BRM P153.
La nouvelle Tyrrell est encore fragile
Au drapeau vert, Stewart s’élance comme un obus avec Ickx à ses trousses. La Tyrrell, pourtant toute neuve, est d’une grande efficacité sur ce circuit bosselé. Après 10 tours, Stewart possède 12 secondes d’avance sur le Belge !
Stewart continue à l’éloigner de Ickx qui se bat maintenant pour conserver sa seconde place face à Cevert, Regazzoni et Chris Amon. Rolf Stommelen, John Surtees, Tim Schenken, Ronnie Peterson Jo Siffert et Graham Hill éprouvent des ennuis mécaniques plus ou moins sérieux.
Stewart possède presque 20 secondes d’avance sur Ickx quand il ressent (lui aussi) un bris. Un arbre de roue a cassé et la Tyrrell 001 termine sa course en bordure de piste, ce qui propulse Ickx en tête.
Le Belge possède une priorité de 25 secondes sur Regazzoni, son coéquipier. Amon et Cevert suivent sans l’ordre. Les problèmes mécaniques continuent et touchent successivement les monoplaces de Jack Brabham, Denny Hulme, Andrea de Adamich, Cevert et Jean-Pierre Beltoise.
En fin de parcours, Ickx lève le pied et permet à Regazzoni de refaire un peu de son retard. Après 90 tours du circuit du Mont-Tremblant, Ickx franchit l’arrivée en première place et récolte sa cinquième victoire en F1 et la 45e de la Scuderia Ferrari. Regazzoni termine deuxième, à 14”8 du Belge. Chris Amon, sur une March, se classe troisième avec presqu’une minute de retard.
Grâce à cette victoire, Ickx remonte au second rang au championnat des pilotes. Rindt est premier avec 45 points et Ickx est second avec 28. En fin de saison, le Belge termine quatrième à Watkins Glen (après un arrêt aux puits pour faire réparer une conduite d’essence) et gagne la dernière épreuve au Mexique. On peut toutefois se questionner à savoir si Ickx voulait vraiment remporter le titre. Sa fuite d’essence aux États-Unis a certainement été un “soulagement” pour lui qui, selon plusieurs, ne voulait pas battre le défunt Rindt.
Ickx a cessé de courir en F1 en 1979 pour se concentrer sur les courses d’endurance. Avec ses six victoires aux 24 heures du Mans, il a longtemps été surnommé “M. Le Mans”. Il a aussi été sacré deux fois champion du monde d’endurance et a aussi gagné le fameux Rallye Paris-Dakar en 1983. Aujourd’hui âgé de 76 ans, Jacky Ickx demeure un personnage important du monde du sport automobile international.