Au début des années 70, l’ancien gérant du pilote Jochen Rindt, Bernie Ecclestone, rachète l’écurie de Formule 1 Brabham pour une bouchée de pain. Rapidement, l’ancien vendeur de voitures usagées a cette vision que la F1 est une véritable machine à imprimer de l’argent, mais personne ne s’en rend compte. Il ne comprend pas pourquoi chaque écurie qui dispute le Championnat du monde doive négocier une prime de départ avec chaque organisateur de Grand Prix.
Ecclestone fait donc du porte-à-porte et explique aux autres directeurs d’équipes qu’il est disposé à jouer ce rôle de négociateur avec les organisateurs afin de tous les participants aient droit à une prime équitable et garantie. Une fois chose faite, il négocie les tarifs des lucratifs contrats de télévision. Bref, Ecclestone prend progressivement le contrôle financier de la F1. Il fonde la FOCA, l’Association des constructeurs de F1, qui représente les écuries privées, et il laisse à la FIA et la FISA (le bras sportif de la FIA) le soin de gérer sportivement la F1.
Toutefois, le président de la FIA et la FISA, le Français Jean-Marie Balestre, ne l’entend pas de cette oreille. Balestre est favorable à l’arrivée de grands constructeurs automobiles en F1 tandis qu’Ecclestone supporte les écuries britanniques, les “garagistes”, comme les surnomme Enzo Ferrari.
Le nœud du problème concerne les grands constructeurs automobiles qui profitent de surpuissants moteurs turbo tandis que les écuries privées doivent se contenter du vénérable Ford Cosworth DFV atmosphérique qui est moins puissant de quelque 150 chevaux. Pour rivaliser avec les turbos, les voitures à moteurs Ford exploitent l’effet de sol grâce à des pontons déporteurs et des jupes latérales coulissantes.
Jugeant que les vitesses atteintes par les bolides de F1 sont devenues beaucoup trop élevées pour les circuits de l’époque, Baltestre annonce unilatéralement que les jupes latérales, qui scellent le dessous des monoplaces, seront interdites en 1981. Cette nouvelle révolte évidemment Ecclestone et les patrons des écuries FOCA.
On assiste donc alors à un bras de fer entre Bernie Ecclestone et Jean-Marie Balestre pour le contrôle de la F1 (photo ci-dessus). La FISA rédige le document sportif et technique destiné à gérer la F1 en 1981. Simultanément, Ecclestone croit que les amateurs de sport automobile n’ont pas besoin des grands constructeurs comme Ferrari, Renault et Alfa Romeo. Selon lui, les amateurs veulent assister à une bagarre de pilotes, pas de développements technologiques. Commencent alors à circuler des rumeurs de championnat de F1 pirate, ou parallèle, organisé par Ecclestone et sa FOCA.
La situation se complique
La FISA réagit immédiatement en menaçant les pilotes, écuries, organisateurs d’épreuves, ASN et officiels qui participeraient à une telle série de se faire retirer leurs licences. La FOCA réplique en annonçant son retrait de la FISA afin d’instaurer sa propre fédération sportive, la Fédération mondiale du sport automobile, qui organiserait le nouveau Championnat du monde des pilotes professionnels. Le calendrier de la série FOCA s’étale du 25 janvier à la mi-octobre 1981 avec des courses présentées à Kyalami, Long Beach, Rio de Janeiro, Montréal, New York, Jarama, Spa-Francorchamps, Dijon, Silverstone, Hockenheim, Zeltweg, Zandvoort, Imola, Mexico et Las Vegas.
Le règlement technique est rédigé par Colin Chapman du Team Lotus. Il fait évidemment la vie belle aux voitures munies du moteur Cosworth en permettant les pontons déporteurs et les jupes latérales coulissantes. Par contre, il n’interdit pas les voitures à moteurs turbo, mais ces dernières doivent posséder un réservoir d’essence limité à 210 litres, ne doivent pas ravitailler en course et disposer d’un débitmètre de carburant fixé à 50cm3 par seconde.
Les jours passent et la situation devient critique. Les commanditaires des écuries s’inquiètent de cette confrontation entre deux personnages aux égos surdimensionnés. Balestre laisse traîner les choses en longueur, espérant que cela mettre une pression énorme sur les écuries FOCA.
Arrive finalement le début de la saison du championnat pirate d’Ecclestone, une course présentée sur le tracé de Kyalami en Afrique du Sud à laquelle seules les écuries FOCA participent. Cette course est déclarée illégale par la FIA et ne figure pas dans les annales de la F1.
Puis, Renault, qui possède aussi la marque American Motors, annonce qu’elle sera bel et bien à Long Beach le mois suivant. Cette décision fait comprendre à Balestre qu’il doit absolument jeter du lest.
La FOCA souligne clairement qu'elle a toujours géré l'aspect financier et commercial des Grands Prix d'une manière manifestement équitable et bénéfique non seulement pour ses membres, mais aussi pour le sport. La FOCA a négocié des arrangements de voyages qui ont bénéficié à ses membres tout en permettant à plusieurs événements d'exister grâce à son support. Alors, qui en a fait le plus pour la F1 : la FISA ou la FOCA ? Tout le monde comprend et met de l'eau dans son vin...
Le 4 mars 1981, le premier Accord Concorde est signé à Paris et ce document, encore d’actualité, gère tout le fonctionnement de la F1. Ainsi, les écuries sont membres du comité exécutif avec droit de vote. La FIA s’occupe des affaires sportives et techniques tandis que Bernie Ecclestone s’emploie à négocier avec les organisateurs et les réseaux de télévision. Ce dernier remet une ristourne à la FIA et redistribue les primes selon le classement de chaque écurie su Championnat du monde.
Le monde de la F1 redevint plus calme et toutes les écuries et les 29 participants se retrouvèrent dans le paddock du circuit urbain de Long Beach le 15 mars pour y disputer le Grand Prix des États-Unis ouest ; course remportée par Alan Jones sur une Williams FW07C-Ford.