Le Grand Prix d’Autriche de 1975 a été marqué par deux événements, un joyeux et l’autre tragique. C’est à cette occasion que l’Italien Vittorio Brambilla a décroché sa première et unique victoire en Formule 1, mais c’est en cette même journée du 19 août que le pilote américain Mark Donohue fut victime d’un terrible accident qui lui coûta la vie deux jours plus tard.
Mark Donohue, ingénieur en mécanique, a été un excellent pilote amateur avant que son talent brut ne soit repéré par Roger Penske. Ensemble, ils ont dominé les courses en Amérique. Donohue a triomphé dans les séries Trans-Am, Can-Am et NASCAR Cup. Il a aussi remporté les 500 Milles d’Indianapolis en 1972 et est devenu le premier champion de la série IROC.
L’appel de la Formule 1
Après la saison 1973, il annonce qu’il prend sa retraite sportive et intègre le bureau de direction de Penske Racing. L’idée de monter une écurie américaine de Formule 1 fait son chemin et Roger Penske trouve le financement d’une telle opération auprès de First National City. Donohue reprend alors son casque et effectue les essais de développement de la Penske PC1 à moteur Ford Cosworth DFV, une voiture créée par Geoff Ferris.
L’écurie américaine participe aux derniers Grands Prix de la saison 1974 et entreprend l’année 1975 avec une septième place en Argentine. Donohue se classe cinquième en Suède, mais à partir de la Grande-Bretagne, l’écurie Penske délaisse la PC1, trop difficile à mettre au point, en faveur d’une March 751.
Le week-end des 15, 16 et 17 août, le petit monde de la F1 se retrouve dans le paddock de l’Österreichring à Zeltweg pour le Grand Prix d’Autriche. Le tracé vallonné et très rapide n’est pas des plus sécuritaires. Les essais sont marqués par plusieurs accidents, incluant ceux de Ronnie Peterson et Brian Henton sur des Lotus, Carlos Pace dans sa Brabham et de Wilson Fittipaldi au volant de la Copersucar. On note aussi plusieurs bris de moteurs et de transmissions, mis à mal sur ce circuit bosselé.
Dimanche matin a lieu la traditionnelle séance de réchauffement. Les voitures roulent et les pilotes se préparent pour la course quand toute activité cesse net. La March de l’écurie Penske, pilotée par Donohue, est violemment sortie de la piste au rapide virage Vöest Hügel (l’ancien nom du virage Hella-Licht) à cause de la défaillance du pneu Goodyear avant gauche du bolide.
Totalement déséquilibrée par la crevaison, la March a fauché les grillages en bordure de piste avant d’être catapultée par-dessus la glissière de sécurité. Volant toujours à haute vitesse, le bolide a percuté un gigantesque panneau publicitaire, fauché deux commissaires de piste, et s’est enfin immobilisé, partiellement désintégré, de l’autre côté de la piste. Les deux commissaires ont été grièvement blessés et l’un d’eux perdra la vie peu après.
Malgré la violence de l'impact, Donohue ne semble souffrir d’aucune blessure apparente. Il agit de façon cohérente, mais indique avoir reçu un coup sur son casque et il avoue avoir mal à la tête. Il est reconduit au centre médical du circuit sur une civière. Les médecins préfèrent l’évacuer par hélicoptère à l’hôpital de Graz pour y subir des examens plus approfondis.
Opéré d'urgence
C’est durant son transport que les choses se gâtent sérieusement. Il arrive à l’hôpital mal en point et l’équipe médicale doit immédiatement l’opérer au cerveau. Lorsque la March a percuté le panneau publicitaire, son casque a cogné un des poteaux de soutien. Malgré l’opération, le pauvre Donohue sombre dans le coma causé par une hémorragie cérébrale. L’équipe Penske est anéantie.
Sur la piste, les choses continuent comme si de rien n’était et le départ de la course est donné en dépit de la pluie qui tombe et qui rend les conditions piégeuses. Niki Lauda, sur Ferrari, mène d’abord les débats, mais un vétéran Italien, Vittorio Brambilla, conduit sa March de main de maître. Il double ses rivaux et dépasse même les meneurs, Lauda et James Hunt.
La pluie redouble d’intensité. La direction de course décide d’arrêter l’épreuve et agite le drapeau à damier devant la March orange de Brambilla. Il est si excité de gagner qu’il lève les bras et ciel et perd le contrôle de son bolide quand ce dernier franchit la ligne d’arrivée ! Par chance pour lui, la course était bel et bien terminée et seul le capot avant et le train avant ont été amochés à la suite du contact avec le rail de sécurité.
Au lendemain de la course, les choses ne s’améliorent pas pour Donohue qui est toujours dans le coma. Le pilote de 38 ans ne reviendra jamais à lui. Il décède le mardi 19 août à l’hôpital.
La veuve de Mark Donohue, Eden Donohue Rafshoon, a ensuite porté l’affaire en justice, prétextant que la mort de son époux était due à une négligence de la part de Goodyear Tire and Rubber et de Penske Corporation, propriétaire de la voiture.
En 1986, soit 11 ans après l’accident, la Cour suprême de l'État du Rhode Island a obligé Goodyear et Penske à verser la somme de 9,6 millions de dollars aux héritiers de Donohue, précisant que sous la loi de cet état, Goodyear et Penske étaient les employeurs de Donohue, donc responsables en vertu de la doctrine de la responsabilité stricte de l'État.
Un accord à l'amiable a été conclu mercredi à Providence, R.I., concernant l'appel d'un verdict de 9,6 millions de dollars rendu par la Cour supérieure à la succession du pilote Mark Donohue, tué lors des essais du Grand Prix d'Autriche 1975.
Le verdict d'avril 1984, le plus important jamais rendu par un tribunal de l'État de Rhode Island, avait été porté en appel devant la Cour suprême de l'État par la Goodyear Tire and Rubber Co. d'Akron, Ohio, et par la Penske Corp. de Reading, Pa.
Les héritiers de Donohue affirmaient
Selon les termes de l'accord, dont le montant n'a pas été révélé, la veuve de Donohue, Eden Donohue Rafshoon, partagera l'argent avec les deux fils adolescents de Donohue.