Après sa retentissante victoire aux 500 Milles d’Indianapolis et des essais effectués au volant d’une Williams de Formule 1, Jacques Villeneuve a été officialisé comme pilote de F1 le 10 août 1995.
Tout s’est mis en marche quand l’agent d’affaires de Villeneuve, Craig Pollock, a négocié le contrat de Jacques avec le cigarettier Player’s fin 1992. Après la belle deuxième place acquise par Jacques au Indy 500 de 1994 et sa victoire sur le circuit de Road America avec l’écurie de Barry Green, Pollock a commencé à approcher les dirigeants de la F1 en plus de courtiser Bernie Ecclestone.
Voulant percer le marché américain, Ecclestone désirait la présence d’un pilote américain dans son championnat. Toutefois, un Canadien talentueux qui, en plus, portant un nom de famille légendaire en F1 allait bien faire l’affaire. En mai 1995, Villeneuve gagne l’Indy 500 de façon hyper spectaculaire en effaçant sa lourde pénalité de deux tours. Le monde de la F1 commence à s’intéresser à ce pilote vraiment atypique.
En 1995, Renault, qui fournit ses moteurs V10 à l’écurie de F1 Williams, est intéressé à disposer d’un pilote de renom francophone. Ayant entendu parler les exploits de Jacques Villeneuve, les dirigeants de Renault Sport, Bernard Dudot et Christian Contzen, se rendent sur certains circuits de la série CART au cours du printemps 1995 pour discuter avec Villeneuve et Pollock. Ils tombent littéralement en amour avec Villeneuve. Ils voient en lui un pilote rapide, courageux, travailleur, bon metteur au point pour ajuster sa voiture à son style de pilotage et capable de s’exprimer en français (avec ou sans accent), en anglais et en italien. Et en plus, il porte un nom de famille célèbre.
Pour la marque Renault, il est un battant et il devient un choix inévitable. Les hommes de Renault en discutent avec Sir Frank Williams qui doit trouver un remplaçant à David Coulthard qui s’en ira chez McLaren à la fin de la saison. Quant à Bernie Ecclestone, il voit d’un bon œil l’arrivée de Villeneuve en F1. L’argentier de la F1 va donc jouer un rôle de facilitateur de négociations.
Un premier accord est pris pour que Villeneuve effectue un essai d’une Williams FW17 à moteur V10 Renault les 1er, 2 et 3 août sur le circuit de Silverstone. Le 30 juillet, Villeneuve se classe 10e au Michigan en série CART, victime d’un long arrêt aux puits pour résoudre un problème de moteur. Puis, il s’envole pour le Royaume-Uni pour enfin effectuer ses premiers tours de piste à bord d’une monoplace de F1.
Deux mois auparavant, Adrian Newey, le directeur de l’écurie Williams, avait accepté de renouveler son contrat pour trois années supplémentaires à condition de d’être directement impliqué dans la gérance de l’écurie avec, en particulier, son mot à dire dans le choix des pilotes.
Dans son livre “How to build a car”, Newey raconte que Frank Williams et Patrick Head avaient décidé d’offrir un essai à Villeneuve. Puisqu’il avait déjà planifié ses vacances, il serait absent à ce test. Il écrit : “Nous nous sommes entendus que si Villeneuve parvenait à rouler à moins d’une seconde des temps de références établis par Damon [Hill] lors de cet essai, nous envisagerions lui offrir un autre test. S’il roulait à deux secondes, j’ai cru que ça serait terminé et qu’on songerait à engager un autre pilote.”
J’ai conservé et numérisé les fax transmis par l’écurie britannique à l’occasion de ce test.
Jour 1, 1er août
Avant-midi : Damon Hill 1’30”94 - Jacques Villeneuve 1’34”46
Après-midi : Damon Hill 1’29”14 - Jacques Villeneuve 1’30”02 (+0,88”)
Jour 2, 2 août
Avant-midi : Damon Hill 1’30”04 - Jacques Villeneuve 1’31”74 (+1,7”)
Après-midi : Damon Hill 1’29”74 - Jacques Villeneuve 1’30”32 (+0,58”)
Jour 3, 3 août
Avant-midi : David Coulthard 1’30”80 - Jacques Villeneuve 1’30”78 (-0,02”)
Après-midi : David Coulthard 1’28”69 - Jacques Villeneuve 1’29”72 (+1,03”)
Puis, naît une controverse autour des chronos réalisés par Villeneuve. Certains prétendent que les temps au tour qui ont été transmis par l’équipe Williams étaient erronés et que le Québécois avait en réalité roulé à deux secondes de Damon Hill.
Il est vrai que lors de ses premiers tours, Villeneuve était en effet plus lent de près de deux secondes que Hill. Toutefois, il a nettement progressé par la suite, étant à peine une demie seconde plus lent que Hill et plus vite que David Coulthard. Un fax, rédigé à la main, que j’ai reçu à ce moment porte même la mention “De Jane Gorrard (l’attachée de presse) à Frank (Williams)”. Alors, les temps au tour sont-ils exacts ? Seules quelques personnes le savent réellement.
À son retour de vacances, Newey apprend la nouvelle du recrutement de Villeneuve et convoque une réunion. Il se demande pourquoi Williams et Head ne l’ont pas consulté et fait signer un contrat à Villeneuve alors qu'il était, selon lui, à deux bonnes secondes des temps de Damon. Frank lui aurait répondu “Nous sommes désolés”. Newey n’a donc jamais été un grand fan de Jacques Villeneuve, ni de ses méthodes de travail.
Quoi qu’il en soit, un contrat fut signé et la nouvelle fut officialisée le 10 août 1995. Ce fut une journée riche en nouvelles à propos de la F1, car en plus de la confirmation de la venue de Jacques Villeneuve en F1, le monde apprit aussi que l’Allemand Michel Schumacher quittait l’écurie Benetton pour joindre la Scuderia Ferrari et que le Français Jean Alesi partait de chez Ferrari pour aller chez Benetton.