Jean-Pierre Jaussaud, seul pilote de l’histoire à avoir donné une victoire toutes-catégories aux 24 Heures du Mans aux marques Alpine-Renault et Rondeau, est décédé ce jeudi 22 juillet 2021, à l’âge de 84 ans. Il souffrait de problèmes aux reins depuis plusieurs années et c’est la maladie qui l’avait forcé à réduire ses activités et présence à des événements de sport automobile, sans quoi sa passion était demeurée intacte depuis 50 ans !
Fils d'un épicier de la ville de Caen (Normandie), Jean-Pierre Jaussaud ne découvrit le sport automobile qu’à l’âge de 25 ans, en lisant le magazine français Sport Auto. Il suit alors les cours de l’école Jim Russell sur le circuit de Snetterton, en Angleterre. Après quelques tours, il est plus rapide que les instructeurs et décide de poursuivre l’aventure en s’inscrivant au Volant Shell, à Magny-Cours (France). Parmi les 300 pilotes inscrits à cette école en 1963, il est le plus rapide une fois encore.
Son ascension sera fulgurante : dès 1965, il est engagé par la prestigieuse équipe Matra et se retrouve coéquipier de Jean-Pierre Beltoise, Henri Pescarolo ou encore Johnny Servoz-Gavin dans des courses européennes ou sud-américaines de Formule 3. Tous ses coéquipiers se rendront jusqu’en Formule 1 sauf lui, qui pourtant en avait le talent pour s’y produire mais il offrit sa place lorsque l’occasion se présenta. « Je voyais que mes coéquipiers rêvaient de la F1 et je n’avais pas envie de me mettre en travers de leur chemin alors je disais aux patrons de Matra de les prendre pour la F1. Avec le recul, j’ai été trop gentil, c’est un grand regret pour moi de n’avoir jamais fait de F1 » nous déclara-t-il au détour d’une conversation, 40 ans plus tard !
Promu en prototypes par Matra, Jean-Pierre Jaussaud allait être profondément marqué par un accident survenu le 8 avril 1967, lors des essais préliminaires des 24 Heures du Mans. Sentant que la Matra 630 à moteur BRM qu’il doit piloter en course est très instable, il a l’intuition de s’arrêter. Mais quelques heures plus tard, alors que les essais tirent à leur fin, l’un de ses jeunes équipiers, Roby Weber, demande à essayer la voiture de Jaussaud. La voiture décolle sur la fameuse ligne droite des Hunaudières sitôt le premier tour et Weber est tué sur le coup.
Jean-Pierre Jaussaud restera trois saisons chez Matra, alternant entre monoplace et Endurance. Par la suite, il demeure en monoplace et en 1968, il remporte le Grand Prix de Monaco de Formule 3 au volant d'une Tecno, devant Peter Gethin, Ronnie Peterson et François Cevert. Quelques mois plus tard, à Monza, il est victime d'un accident en Formule 2. Sa voiture part en tonneaux et prend feu. Jaussaud en réchappe par miracle.
En 1970, il est champion de France de Formule 3, toujours au volant d'une Tecno, avant de se consacrer à temps plein à la F2. Il arrête toutefois la monoplace un an plus tard, pour se concentrer sur l’Endurance. Seule exception : le Grand Prix de Trois-Rivières, un événement qu’il découvre en 1973 et pour lequel il tombe véritablement en amour ! Après avoir pris part à la course de Formule B en 1973 sur une Brabham BT40 (abandon), il revient au GP3R en 1974 (photo ci-dessus) pour disputer la toute première course de Formule Atlantique de l’histoire de l’événement québécois. Tom Klauser l’emporte et Jaussaud finit deuxième à moins d’une seconde, aux commandes d’une Chevron B27.
L’année suivante, il est devancé par Vittorio Brambilla et son coéquipier Jean-Pierre Jarier. Preuve de la renommée internationale du GP3R dans ce temps-là, les 8 premiers viennent d’Europe, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. 1975 est aussi l’année des débuts de Gilles Villeneuve en Atlantique, prélude à une édition 1976 qui voit le Québécois l’emporter devant Alan Jones et James Hunt.
Jean-Pierre Jaussaud lui, ne participe plus au GP3R cette année-là. Mais il garde des souvenirs mémorables de ses participations de 1973 à 75 et il nous avait confié il y a une quinzaine d’années lors d’une rencontre au Week-end de l’Excellence Automobile à Reims, qu’il avait alors profité de ces séjours québécois pour visiter la province et notamment… toutes les pistes, jusqu’à un événement d’accélération à Sanair ! Plus que les grands espaces ou les petites villes québécoises, c’est du Mont-Tremblant et de Sanair qu'il nous parlait avec passion, et même, « de ce magnifique circuit près de Québec où on a l’impression qu’on peut tomber dans le fleuve si on sort de piste… Ste-Croix ? Oui c’est ça, je n’y ai pas piloté mais je m’en rappelle ! ».
Si Jean-Pierre Jaussaud a arrêté définitivement la monoplace en 1976, c’est parce qu’il est devenu pilote officiel Renault en Endurance. Objectif : battre Porsche et gagner les 24 Heures du Mans. En compagnie de Didier Pironi, Jaussaud gagne l’épreuve en 1978, sur une Alpine-Renault A442B. Lorsque Renault annonce son retrait de l’Endurance après cette victoire pour se consacrer uniquement à la F1, Jaussaud trouve refuge au sein de la petite équipe du pilote-constructeur Jean Rondeau.
Deux ans plus tard, lors d’une édition 1980 très pluvieuse, il gagne pour la seconde fois Le Mans, avec Jean Rondeau comme coéquipier. Un exploit encore inégalé à ce jour car plus aucun pilote-constructeur n’a réussi à gagner la légendaire course. Après la Rondeau M379B Ford Cosworth DFV lauréate en 1980, Jean-Pierre Jaussaud disputera deux autres fois les 24 Heures du Mans avec cette équipe, mais sans succès.
Il se tourne ensuite vers les Rallye-Raids. Au Paris-Dakar, il s’inscrit en 1982 avec une Mercedes Classe G et termine sur le podium dès sa première participation. Il poursuit l’aventure du Dakar, sur Mercedes de 1984 à 1987, puis avec une Lada Niva en 1988, un Mitsubishi PX 33 en 1989 et enfin au début des années 1990 avec un camion Hino. Surnommé "Papy Jaussaud", il dispute parallèlement toute une série de championnats monotypes, de voitures de tourisme et même de courses sur glace en France, jusqu’en 2003.