En 1991, Tony Tracy a englouti une belle somme d’argent afin de permettre à son fils Paul de disputer sa première course en série CART (IndyCar) dans les rues de Long Beach.
Fasciné par la vitesse et les engins motorisés, Paul Tracy commence à courir très jeune en karting au circuit de Goodwood Kartways. Ses arrivées au circuit sont notoires, car son père Tony conduit sa berline de luxe avec le kart de Paul inséré dans le coffre arrière !
En 1985, à seulement 16 ans, Paul devient champion canadien de Formule 1600. La saison suivante, il se classe quatrième au championnat canadien de Formule 2000 avec une victoire. Cette même année, à seulement 17 ans, il mène la monstrueuse Can-Am Frissbee-Chevrolet de Horst Kroll à la victoire à Mosport.
Tracy s’attaque ensuite à l’Indy Lights, connue sous le nom d’ARS (American Racing Series) à ce moment. Les saisons 1988 et 1989 lui procurent peu de bons résultats. Mais en 1990, il écrase la compétition, récoltant huit victoires en 14 épreuves, et devient champion de la série.
Paul croit dur comme fer que son titre va inciter des écuries CART à lui faire des propositions pour disputer la saison 1991. Il n’en est rien. Le téléphone refuse de sonner dans la résidence des Tracy à West Hill en banlieue de Toronto.
Tony Tracy, un homme d’affaires au caractère bouillant et qui a fait fortune avec son entreprise de peinture de bâtiments industriels (incluant la tour du CN), peut louer une voiture à Paul pour qu’il se fasse remarquer, mais il sait pertinemment que c’est un pari très risqué.
La saison CART 1991 commence à Surfers Paradise en Australie, puis se déplace à Long Beach en Californie. Presque tous les volants sont attribués pour la saison, mais la petite écurie de Dale Coyne offre de louer ses Lola-Cosworth à des pilotes payants. Tony Tracy contacte Coyne. Il accepte son offre et lui fait, selon le magazine Car&Driver, un virement de 100 500$ américains pour que Paul coure à Long Beach.
Au volant de sa Lola toute jaune No. 39, Paul Tracy se qualifie en milieu de peloton, en 14e place sur 26. Le jeune pilote de 23 ans effectue toutefois une erreur de pilotage en début de course. Il rate un freinage et perd beaucoup de temps à manœuvrer sa monoplace dans l’échappatoire.
Il reprend la course avec un tour de retard, mais son moteur V8 turbo se met à surchauffer et à couper. Il rend finalement l’âme au bout de 30 tours. Paul gare sa voiture fumante en bordure de piste, s’extrait du cockpit et s’assoit sur un muret de béton, ravalant sa déception de voir tout cet argent ainsi gaspillé.
Une rencontre déterminante
Quelques minutes plus tard, un homme portant une chemise Penske l’aborde et lui demande s’il est bien Paul Tracy. “Après la course, Roger voudrait vous voir dans son motorhome” lui confie l’homme en question. Tracy pense immédiatement au pire, qu’il a dû bloquer un pilote Penske durant la course et que le boss veut lui passer un savon. Malgré son imposante carrure, Tracy n’en mène pas large quand il pénètre dans le motorhome du “Captain”...
Roger Penske demande à Paul Tracy quels sont ses plans. Évidemment, il n’en a pas ! Penske lui prescrit de retourner à Toronto, de ne plus disputer d’autres courses, d’attendre son appel en mai, et de ne rien dire à propos de cette courte réunion. Éberlué, Tracy n’en croit pas ses oreilles.
Comme demandé, Paul et Tony retournent à Toronto, et attendent impatiemment l’appel du grand patron. Un soir de mai, vers l’heure du souper, la sonnerie du téléphone retentie enfin. Penske leur somme d’être à Détroit le même soir pour assister une réunion. Père et fils parcourent les 375 km qui séparent Toronto de Détroit à vive allure afin d’arriver à temps. Ils y parviennent de justesse et rencontrent Roger Penske et d’autres dirigeants de l’organisation.
Penske propose à Paul effectuer des essais pour l’équipe Penske CART, ajoutant que si cela se passait bien, il pourrait, peut-être, participer à une ou deux courses durant la saison. Penske leur fait glisser un contrat sur la table. Pas le temps de le faire approuver par des avocats ou même de le lire : c’est à prendre ou à laisser... immédiatement. Et Paul signe le document.
Sa carrière de pilote Penske démarre quelques mois plus tard sur le superspeedway de Michigan en août. Au troisième tour de la course, il s’approche trop du bolide d’un compétiteur et perd ses appuis aérodynamiques. La Penske-Chevrolet s’écrase violemment contre le mur de béton et Paul se fracture une jambe. Pas la meilleure entrée en scène pour le Canadien...
Tracy commettra bien d’autres frasques au cours de sa carrière chez Penske, et nous y reviendrons plus tard dans d’autres articles.