Le Groupe McLaren est reconnu pour ses monoplaces de Formule 1 et ses sportives haute performance, mais saviez-vous qu’il a produit une... boîte à savon ? Tout a démarré au traditionnel Festival of Speed organisé sur les terrains du circuit de Goodwood au Royaume-Uni. Cet évènement est la grande fête annuelle du sport automobile et de l’histoire des plus prestigieuses voitures.
Entre 2000 et 2004, le festival de Goodwood a aussi présenté des courses de boîtes à savon, ou plus précisément de bolides propulsés par la gravité en termes scientifiques. Ces petits véhicules sans moteur participaient à des épreuves chronométrées tenues sur une route en pente descendante comprenant des virages.
Les premières boîtes à savon étaient fabriquées d’une boîte en bois munie de roues, d’une direction et d’un frein agissant sur une roue ou frottant au sol. Toutefois, certains ingénieurs ont pris la chose beaucoup plus au sérieux et des compétitions officielles de bolides mus par la gravité, assez sophistiqués, s’affrontent maintenant un peu partout dans le monde.
Chez McLaren, l’idée de concevoir une boîte à savon fut celle de Mark Childs qui s’était joint à l’équipe de développement de la Mercedes-Benz SLR McLaren. Childs a harcelé Gordon Murray durant des semaines, clamant que cet exercice de design en valait vraiment la peine. Et Murray a fini par accepter, à condition que ce travail soit effectué en dehors des heures de bureau.
Le challenge était le suivant : la gravité est la seule force de déplacement du véhicule et les deux forces négatives qui le ralentissent sont la traînée aérodynamique et la résistance au roulement. La piste de Goodwood fut donc numérisée afin de prédire, grâce à un logiciel de simulation, les forces latérales subies en virages et les vitesses maximales atteintes. Cette McLaren hors normes, prévue pour 2002, allait porter l’appellation officielle de MP4-T5.
L’équipe a peaufiné l’aérodynamique du bolide avec des surfaces très lisses et des angles neutres afin de réduire la traînée, mais sans pourvoir tout tester en soufflerie par manque de temps et afin de respecter l’esprit du règlement. Un modèle en bois fut ensuite créé afin de vérifier la disposition et le logement des différents organes.
Le règlement technique imposait que les yeux du pilote devaient être à une hauteur de 30,3 pouces soit 770mm. Vu l’étroitesse du cockpit, il fallait un pilote de petite taille. Chris Goodwin, pilote d’essai des routières et des voitures de F1 chez McLaren, fut choisit pour conduire la MP4-T5.
L’épreuve de Goodwood obligeait les équipes à respecter un budget maximal de £1000 (l’équivalent de 2300$ canadiens en 2002). Afin de respecter cette règle, l’équipe a construit la boîte à savon en ne se servant que de pièces déjà disponibles dans l’entrepôt du Groupe McLaren, comme par exemple le plancher en carbone d’une McLaren F1 GTR accidentée et des composantes de F1 endommagées.
À l’exception du pare-brise, des roues et des freins serrant le moyeu (comme en vélo), tout le reste de la T5 fut, semble-t-il, réalisé avec ces pièces disponibles comme le ballast, la fibre de carbone, les ceintures de sécurité et la crémaillère de direction. Sincèrement, plusieurs de mes confrères et moi croyons que de telles boîtes à savon ultra technologiques n’ont pas pu être fabriquées avec des "pièces déjà disponibles" tout en respectant la règle du budget maximal...
Au final, la T5 ne pesait que 135 kilos, pilote à son bord. Les essais ont été réalisés et tout s’est bien déroulé. La T5 fut ensuite peinte jaune papaye McLaren avec un kiwi noir sur les carénages de roues.
Arrive le jour de la grande compétition à Goodwood et McLaren fait face à une vive compétition provenant des équipes Jaguar, Rolls-Royce, Lotus, Bugatti, Prodrive, Ford et Bentley. La T5 se montre extrêmement efficace, remporte ses manches qualificatives et décroche la victoire avec le chrono le plus rapide jamais réalisé sur la pente de Goodwood avec un temps de 1’05”1 et une pointe de vitesse à un peu plus de 100 km/h.
Comme on peut le voir sur la photo ci-dessus, la MP4-T5 a ensuite trouvé une place de choix sur le "Boulevard", ce long et large corridor qui longe le Technical Centre de McLaren à Woking.