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Controverse : Quelle écurie de F1 a produit le premier châssis en carbone : McLaren ou Lotus ?

Controverse : Quelle écurie de F1 a produit le premier châssis en carbone : McLaren ou Lotus ?

Lundi 22 mars 2021 par René Fagnan
Crédit photo: McLaren

Crédit photo: McLaren

L’écurie de Formule 1 McLaren est mondialement reconnue pour avoir conçu et fabriqué le premier châssis entièrement réalisé en fibre de carbone pour sa MP4/1. Mais est-ce bien exact ?

Avant les années 70, la fibre de carbone était un matériau strictement réservé à des usages militaires ou aérospatiaux. Il s’agissait de filaments de carbone tressés et imprégnés d’une résine qu’on faisait cuire dans un four à haute pression. Il en ressortait des pièces ultra légères, mais plus résistantes que l’acier et qui pouvaient posséder des formes assez complexes.

Durant les années 70, les voitures de F1 ont commencé à incorporer des pièces ou des panneaux en carbone pour renforcer les châssis et les ailerons. Toutefois, produire un châssis complet avec cette mystérieuse fibre noire paraissait être irréalisable.

Ce fut toutefois chose faite au début de la saison 1981 quand McLaren a dévoilé sa MP4/1 et Lotus a montré sa T88 à seulement une semaine d’intervalle. Compte tenu du long processus de fabrication d’un tel châssis, une écurie n’a pas pu copier l’autre. Les équipes d’ingénieurs de ces deux écuries ont donc œuvré sur des projets similaires, chacune de leur côté, mais avec des méthodologies différentes.

McLaren fait appel à un sous-traitant

Courant 1980, Ron Dennis, le nouveau patron de McLaren International et John Barnard, le directeur technique, sont vivement intéressés par cette fibre de carbone et désirent s’en servir pour fabriquer un châssis entier, car les avantages de poids et de rigidité sont indéniables. Toutefois, aucune entreprise britannique possède l’expertise pour en produire un. C’est un adjoint de Barnard, Steve Nichols, qui lui suggère de prendre contact avec son ancien employeur aux États-Unis, Hercules Corporation, une compagnie spécialisée dans les matériaux composites et qui réalise des contrats militaires ultra secrets.

Barnard se rend aux installations de Hercules à Salt Lake City avec la maquette à l’échelle ¼ de sa McLaren MP4/1. Même s’ils possèdent une solide expertise de ce matériau composite au graphite, les ingénieurs américains se posent des questions sur la façon de fabriquer une telle pièce, car afin de résister aux contraintes élevées et aux impacts, les couches de carbone doivent emprisonner une structure absorbante en nid d’abeille.

Après mûre réflexion et quelques essais, la monocoque est assemblée à partir de cinq morceaux aux surfaces relativement plates. Les différentes pièces, fabriquées de plastique renforcé de fibre de carbone préimprégné incorporant une âme en aluminium, sont produites individuellement puis collées avec de la résine autour d’un mandrin interne en aluminium et finalement cuites dans un autoclave.

Il en a résulté un châssis noir tout en carbone, pas parfait à cause de rides et plis, mais parfaitement valide pour courir en Grand Prix (voir la photo ci-dessus). Une fois expédié au Royaume-Uni chez McLaren, on y a greffé un moteur Ford Cosworth DFV, une boîte de vitesses Hewland, les suspensions, la carrosserie et les ailerons pour produire la magnifique MP4/1.

Lotus décide de tout faire maison

Presqu’en même temps que l’idée de fabriquer un châssis entier en carbone naît dans les bureaux de McLaren, la même surgit dans la tête de Peter Wright, ingénieur chez Lotus. Wright a commencé sa carrière en F1 chez BRM avant de travailler chez Specialised Mouldings, une entreprise britannique qui a fabriqué les premiers panneaux en carbone destinés à renforcer les carrosseries des Lola, McLaren et Chevron.

Wright possède donc une bonne connaissance de ce matériau composite quand il suggère à Colin Chapman de fabriquer une monocoque en carbone pour la future T88 à double châssis destinée à la saison 1981.

Contrairement à John Barnard qui a fait sous-traiter le châssis de la MP4/1 par Hercules, Wright et le Team Lotus décident de tout faire maison dans les locaux du manoir de Ketteringham Hall. Wright conçoit une méthodologie de fabrication très semblable à celle des modèles réduits en carton qu’on découpe, plie et colle à certains endroits.

Wright fait acheter une énorme plaque de verre qui coûte... très cher. Une grande feuille de fibre de carbone, qui incorpore une étoffe de Kevlar jaune (pour éviter un éclatement du carbone en cas d’impact), est étalée dessus, puis est recouverte d’un sandwich nid d’abeille en Nomex et d’une autre feuille de carbone et de Kevlar. L’ensemble est cuit sous pression dans un autoclave. Une fois refroidie, la grande feuille de carbone est décollée de la plaque de verre et est usinée.

La couche intérieure est entaillée et fendues aux endroits où les plis sont situés. Puis, la feuille est repliée sur un gabarit et collées aux endroits stratégiques. Des couples en aluminium sont ensuite insérés dans la monocoque et boulonnés en place. Contrairement à la monocoque de la McLaren MP4/1, celle de la Lotus T88 était donc fabriquée d’une seule pièce.

Alors, quelle écurie peut se targuer d’avoir produit le premier châssis F1 en carbone ? Selon moi, les deux peuvent le faire.  

 Le sport automobile a beaucoup aidé à démocratiser le carbone. Aujourd’hui, plusieurs d’articles de notre vie quotidienne sont fabriqués avec cette fibre : équipements médicaux, bâtons de ski de fond et de golf, cadres de vélos, composantes d’avions commerciaux, raquettes de tennis et de badminton, bâtons de hockey, etc.