Retour au début de l’année 2002 quand quelques semaines après la liquidation des actifs de l’écurie de Formule 1 Prost Grand Prix, une rumeur bizarre commence à circuler dans le monde de la F1 : celle du retour des voitures Prost, mais avec une nouvelle équipe.
Quadruple Champion du monde à la retraite, le Français Alain Prost avait racheté l’équipe Ligier pour en sa faire sa propre écurie de F1. Prost avait fait construire une usine flambant neuve à St-Quentin-en-Yvelines en banlieue parisienne et ses voitures, les AP01, avaient effectuées leurs débuts en 1997.
Malgré la présence de bons pilotes, d’ingénieurs compétents et de soutiens financiers majeurs, l’écurie Prost n’a pas fait d’étincelles, ne récoltant que trois podiums en 83 Grands Prix. Puis, les commanditaires désertent le navire Prost qui commence à sombrer. L’écurie est finalement liquidée au tout début de l’année 2002.
Paul Stoddart, propriétaire de l’écurie Minardi, se montre vite intéressé à acheter les actifs de Prost GP, mais surtout les plans de la Prost AP05 pour en faire la future Minardi. Les discussions vont bien train, mais c’est alors qu’arrive en scène l’Écossais Tom Walkinshaw, déjà propriétaire de l’écurie Arrows en grosses difficultés financières.
Walkinshaw mandate un bon ami à lui, Charles Nickerson, pour mener les pourparlers de rachat. Étrangement, tout se fait très rapidement et Nickerson rachète, par l’intermédiaire de sa compagnie, Phoenix Finance Ltd, une banque privée britannique, ce qui reste de l’écurie Prost, incluant le design de la AP05 pour une somme de 2,6 millions de dollars. Une bouchée de pain !
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre : l’écurie Phoenix Grand Prix fera ses débuts en F1 dès le Grand Prix d’Australie 2002 prévus quelques semaines plus tard.
Cette vente met Paul Stoddart dans une colère noire, car non seulement il perd les plans d’une nouvelle voiture, mais aussi beaucoup d’argent. En effet, car l’écurie Prost s’était classée au 9e rang en 2001, mais puisqu’elle n’existe plus, Minardi remonte de la 11e à la 10e place et obtient ainsi des subsides de la FOM. En rachetant Prost, Phoenix récupère la 9e place au classement, repousse Minardi au 11e rang, et encaisse les 12 millions de dollars de la FOM.
Le personnel réduit de l’écurie Phoenix, composé essentiellement d’employés d’Arrows, commence à modifier une Prost AP04 de 2001 (voir la photo ci-dessus) pour commencer la saison. Sans contrat moteur, ils désossent une Arrows AX3 triplace pour en récupérer tout le train arrière ainsi que le moteur, codé Arrows T2-F1 V10, créé à l’origine par Brian Hart.
Les pilotes pressentis sont Gaston Mazzacane, Thomas Enge, Tarso Marques et même Jos Verstappen, mis à la porte de chez Arrows par Walkinshaw l’année précédente. Il faut comprendre qu’un retour de Verstappen en F1 éviterait à Walkinshaw de payer un lourd dédommagement au Néerlandais.
Bernie Ecclestone entre en action
Dans son bureau de Londres, Bernie Ecclestone n’est pas enthousiasmé par l’arrivée impromptue de cette nouvelle écurie, d’autant que Stoddart lui met une pression énorme. Ecclestone contacte alors Walkinshaw et Nickerson et leur indique que Phoenix GP n'a en fait que racheté que les actifs de l'équipe Prost GP et pas son inscription au Championnat du monde. Comme nouvelle équipe, il leur exige de payer les frais d’inscription de 48 millions de dollars...
La Phoenix AP04B est en cours d’assemblage dans les anciens locaux d’Arrows à Leafield quand toutes les autres écuries effectuent le déplacement vers l’Australie pour y disputer le premier Grand Prix de la saison. Deux membres de l’équipe Phoenix sont envoyés à Melbourne avec, dans leurs bagages, deux museaux de la monoplace pour les faire approuver. Ces pièces sont toutefois jugées non-conformes par les inspecteurs techniques. Quel beau début !
Le 13 mars, quatre jours avant le Grand Prix de Malaisie, la FIA indique officiellement que l’écurie Phoenix GP ne sera pas autorisée à courir. L’écurie fait quand même expédier deux AP04B bricolées à la hâte à Kuala Lumpour, mais elles demeurent coincées à l’aéroport à cause de formulaires douaniers mystérieusement invalides. Les pilotes, Gaston Mazzacane et Tarso Tarques, sont présents dans le paddock, mais sont seuls et tournent en rond.
Après le week-end, l’écurie Phoenix GP change d’appellation pour DART Grand Prix Team Ltd. Ce nom DART avait été employé pour nommer une compagnie de Tom Walkinshaw durant les années 80.
L’écurie DART a bien l’intention de courir au Brésil, troisième manche de la saison 2002. Sa demande d’inscription est toutefois refusée par la FIA qui indique clairement que DART ne sera pas acceptée sur la grille de départ en 2002.
Étonnamment, Nickerson n’abandonne pas. DART Grand Prix Team redevient Phoenix Grand Prix. C’en est trop pour la FIA qui fait clairement savoir que ni DART, ni Phoenix n’auront le droit de courir en F1 en 2002.
Cette décision de la FIA incite Charles Nickerson à poursuivre la FIA, la FOM et la FOA en justice devant la Haute Cour de Londres au motif que ces organisations empêchent son écurie de courir en utilisant des biens acquis de la défunte écurie Prost Grand Prix.
Le 13 mai, la Haute Cour de Londres stipule que la FIA est en droit d'exclure Phoenix et que Phoenix doit payer les frais de justice liés à l'affaire.
“Après avoir examiné le jugement du tribunal chargé de superviser la liquidation de Prost Grand Prix, les conseillers de la FIA ont constaté que le tribunal n'avait pas transféré Prost Grand Prix lui-même, ni tenté de transférer l'inscription de Prost Grand Prix au Championnat 2002 à Phoenix Finance Limited. Les inscriptions au Championnat du monde ne peuvent être achetés ou vendus” peut-on lire dans le jugement rendu.
Devant l’impossibilité de courir et de payer les frais encourus, Charles Nickerson et Tom Walkinshaw décident finalement d’abandonner le projet et de porter leurs efforts sur l’écurie Arrows qui ironiquement, fermera définitivement ses portes à la fin de la saison 2002 aux prises avec des dettes colossales.