Peu de temps après les succès enregistrés en 1985 par Benoit Vigneault, troisième du Grandstand Trophy de Formule 2000 britannique, et par Bertrand Fabi, Champion britannique, européen et du Bénélux de F2000, trois pilotes canadiens se sont rendus au Royaume-Uni afin de participer au Championnat hivernal BBC Grandstand de F2000.
Ce mini championnat était disputé durant l’hiver en cinq manches toutes présentées sur le petit tracé Club du circuit de Brands Hatch. L’édition de 1986 regroupait les meilleurs pilotes de F2000 du Royaume-Uni, comme Eddie Irvine, Jonathan Bancroft, John Alcorn, Paul Warwick, Dave Coyne et Alexander Arbis, à l’exception du champion en titre de la F2000 britannique, Bertrand Gachot, qui avait décidé de ne pas y participer.
Face à eux, il avait d’abord l’Ontarien Paul Tracy, pilote officiel Van Diemen, qui était au volant d’une RF86 aux couleurs de l’huile moteur Duckhams QXR. Puis, il y avait Alan Labrosse sur une Reynard 86SF de Dennis Rushen ; celui-là même qui avait fait rouler (et gagner !) le grand Ayrton Senna en F2000 en 1982. Le troisième larron était Claude Bourbonnais qui était aux commandes d’une Swift DB3 de Frank Bradley toute jaune, sans un seul commanditaire.
Paul Tracy
Paul Tracy était âgé de 17 ans et venait de se classer quatrième au Championnat canadien Motomaster de F2000 avec une victoire. Pilote d’usine, Tracy pouvait donc discuter des ajustements de sa monoplace directement avec Ralph Firman Sr. « La voiture n’était pas facile à piloter. L’écurie a soudé certains tubes additionnels au châssis afin de le rigidifier. Ça a augmenté le grip du train avant, mais faisait déraper l’arrière trop facilement » Tracy avait raconté alors à Tony Dodgins. « Le niveau de compétition est très relevé, comme il l’est au Canada. Par contre, au Royaume-Uni, il faut être beaucoup plus agressif. Il ne faut pas hésiter à bloquer, couper la route aux autres et même à leur donner des coups de roues. Si je faisais cela au Canada, cela me vaudrait une disqualification ».
Tracy, qui est devenu plus tard Champion de la série IndyCar, avait alors récolté une troisième place et deux quatrièmes positions lors des trois dernières manches de la mini-série, lui donnant la cinquième place au classement final.
Alan Labrosse
Plusieurs fois champion de moto, Alan Labrosse (photo) était, à 25 ans, le plus âgé de trois compères. Vainqueur des finales canadiennes de F2000 au circuit du Mont-Tremblant en octobre, il s’était classé deuxième au Championnat canadien Motomaster de F2000 derrière Richard Spénard et avait été sacré recrue de l’année. Il termina sa saison en participant au mini championnat hivernal britannique.
« Mon mentor, Raymond David*, était déjà très impliqué avec Reynard par sa participation dans l’école de pilotage Spénard/David. Il m’avait indiqué qu’il serait bénéfique que j’aille courir en Angleterre, car à ce moment, nous travaillions sur un projet pour disputer la saison 1987 en Europe, soit en F2000 ou en F3 » a raconté Labrosse à Pole Position.
« Mon épouse Chantal avait donné naissance à notre premier enfant, Jason, en juillet. En automne, je suis parti en Europe, seul, pour plusieurs semaines. J’habitais chez des gens qui me logeaient, sans que ça coûte trop cher. Il y avait d’excellents pilotes dans ce championnat, et le petit circuit de Brands Hatch, avec tous ses virages en dévers, était vraiment difficile. Il pleuvait souvent et Dennis Rushen m’avait dit “Sous la pluie, évite à tout prix de rouler sur les trajectoires d’une piste sèche”. C’était terriblement compétitif et les pilotes étaient assez agressifs. J’ai roulé aussi bien et été aussi compétitif que Tracy et Bourbonnais [Labrosse s’est classé quatrième lors des deux premières manches] »
« Mon but était d’acquérir de l’expérience. Mais à mon retour à Montréal, Raymond David m’a convoqué à son bureau. Il avait été très marqué par le décès de Bertrand Fabi [son protégé] et sachant que j’étais un jeune papa, il était beaucoup moins chaud à idée de m’envoyer courir en Europe. Il m’a donc mis en charge de gérer la piste de Shannonville dont il était le propriétaire. Je n’avais que 25 ans et, inexpérimenté, j’ai appris sur le tas. Être passé aux affaires a été la meilleure chose pour moi » avoue celui qui a aussi été le propriétaire de l’Autodrome St-Eustache durant plusieurs années jusqu'à sa fermeture.
Claude Bourbonnais
Le longiligne Claude Bourbonnais avait 21 ans et avait déjà disputé deux saisons de F2000 canadienne au moment de s’envoler pour le Royaume-Uni où il a connu des courses assez agitées, pimentées de nombreuses collisions. Son pire crash est survenu lors de la quatrième manche quand sa monoplace a violemment percuté le mur de pneus au virage de Paddock Bend. Sonné, Bourbonnais est demeuré inconscient durant trois minutes pendant que les officiels immobilisaient son cou et son dos avant de le diriger vers l’hôpital. La semaine suivante, il était de retour en piste !
Claude n’est jamais parvenu à éliminer le sousvirage qui pénalisait beaucoup sa Swift sur le petit tracé de Brands Hatch. Il s’est quand même qualifié troisième lors de la seconde manche et a terminé au quatrième rang lors de la troisième manche. Bourbonnais a terminé le mini championnat en 10e position. Par la suite, Bourbonnais a remporté 13 victoires en Formule Atlantique et a aussi couru en IndyCar.
*Raymond David était un homme d’affaires de Val-David qui travaillait dans le milieu de l’assurance (Jevco, Motoplan). Il était aussi propriétaire de l'école de pilotage moto FAST. C'est quand il a couru en Coupe Porsche canadienne qu'il a rencontré Richard Spénard. Les deux se sont associés et ont fondé l’école de pilotage Spénard-David basée à Shannonville.