La Lotus 79, la magnifique "Beauté noire" de Formule 1 aux lignes si épurées, est apparue en public pour la première fois le 5 janvier 1978.
Le modèle précédent, la Lotus 78, a été la première voiture de Grand Prix à exploiter efficacement l’effet de sol. D’une efficacité redoutable, la 78, pilotée par Mario Andretti et Gunnar Nilsson, aurait pu remporter bien plus que cinq victoires en 1977 si ses moteurs Cosworth DFV expérimentaux n’avaient pas été si fragiles...
La Lotus 79, aussi connue sous l’appellation de John Player Special Mk IV, a été conçue et dessinée par Colin Chapman, Peter Wright, Martin Ogilvie et Geoff Aldridge. Sa coque, réalisée d’une simple feuille d’aluminium renforcée par des couples faits eux aussi en aluminium, était aussi étroite que possible, soit à peine la largeur des épaules des pilotes. Pour la première fois, une voiture de F1 ne possédait qu’un réservoir d’essence unique logé derrière le pilote. La 79 était munie de pontons latéraux extra larges qui logeaient les tunnels venturi destinés à créer une dépression sous la voiture afin de la faire “coller” à la piste.
La nouvelle monoplace du Team Lotus était conçue pour recevoir le moteur V8 Cosworth DFV et la boîte de vitesses Lotus/Getrag. Cette transmission avait été spécialement produite pour la Lotus 79. Compacte et légère, la sélection des rapports était séquentielle et sans embrayage. La boîte était accouplée à un différentiel à glissement limité ZF et à un couple conique taillé par Oerlikon en Suisse. Chapman avait, semble-t-il, une dent contre Mike Hewland (le créateur des boîtes de vitesses portant son nom) et jugeait ses boîtes de vitesses encombrantes et beaucoup trop lourdes.
La première Lotus 79, codée JPS 19, fut déverminée par Eddie Dennis, le chef mécano du Team Lotus, sur la piste d’essais de l’écurie tracée sur le petit aérodrome qui côtoyait le fief de l’écurie à Hethel.
Puis, la 79 effectué ses premiers essais à l’abri des regards sur le circuit Paul-Ricard du Castellet en France. Andretti a roulé à son volant les 14 et 15 décembre 1977 tandis que la nouvelle recrue de l’écurie, le Suédois Ronnie Peterson, a roulé le 16 décembre.
Rapide, mais fragile
Mais déjà, la Lotus 79 démontre ses faiblesses. La boîte de vitesses Lotus/Getrag n’est vraiment pas au point. Peu fiable, elle enrage les pilotes, les ingénieurs et les mécanos. De plus, la coque n’est pas assez rigide, les tunnels venturi ont tendance à se déformer à haute vitesse et les freins arrière, accolés à la transmission, surchauffent au bout de quelques tours.
À regret, Chapman prend la décision de faire installer une transmission Hewland FGA 400 à la place de la Lotus/Getrag. Par contre, la boîte Hewland montre elle aussi des signes de défaillance, car certains rapports ont tendance à sauter dans les virages, peut-être parce que la coque n’est pas suffisamment rigide.
Le 5 janvier 1978, la presse est invitée à voir enfin cette Lotus 79 dévoilée à Londres. Les quelques photos prises à la va-vite au Paul-Ricard avaient montré la silhouette de la 79 dans sa version originale avec des pontons plutôt coupés au couteau. Cette fois, la 79 montre sa robe presque définitive et ses pontons magnifiquement galbés.
La 79, dotée de la boîte Lotus/Getrag, effectue ses débuts le 19 mars lors de la course hors-championnat de l’International Trophy du BRDC disputée sous la pluie à Silverstone.
Andretti mène l’épreuve, mais au troisième tour sa monoplace part en aquaplanage sur la piste inondée. La belle 79 dérape hors de tout contrôle sur l’herbe mouillée et percute un autre bolide abandonné. Les dégâts matériels sont considérables...
Une fois réparée, la 79 effectue des essais extrêmement prometteurs sur le circuit d’Anderstorp en Suède le 16 mai. Andretti, qui croit au potentiel formidable de sa nouvelle monture, fait pression sur Chapman pour qu’il l’engage en Grand Prix le plus rapidement possible.
Pilotée par Andretti, la 79 dispute son premier vrai Grand Prix une semaine plus tard sur le tracé de Zolder en Belgique le 21 mai 1978. À son volant, Andretti signe la première pole position et la première victoire de la Lotus 79. Le pilote américain et la Lotus 79 prenaient ainsi la route menant au titre mondial. Mario Andretti et Ronnie Peterson (photo ci-dessous) étaient les pilotes titulaires en 1978. Jean-Pierre Jarier remplaça ensuite Peterson, décédé des suites d'un accident au départ du Grand Prix d'Italie à Monza (il avait alors repris les commandes du modèle 78 après avoir détruit sa 79 aux essais), pour les deux derniers Grands Prix de la saison.