Plusieurs pilotes de Formule 1 ont eu des enfants qui se sont parfois intéressés au sport automobile. Quelques-uns ont connu de grandes carrières tandis que plusieurs autres s’y sont essayés et ont décidé de ne pas tenter l’aventure.
Ici au Québec nous avons eu l’exemple de Gilles Villeneuve et de son fils Jacques. Gilles a piloté en F1 de 1977 à 1982 et a remporté six victoires. Jacques a été sacré Champion du monde à sa deuxième saison seulement et aurait pu remporter le premier Grand Prix auquel il a participé en 1996. Peut-on affirmer sans se tromper que Jacques a hérité du talent de Gilles ? Difficile à dire avec certitude.
J’affirmerais plutôt que Jacques a grandi dans une atmosphère de sport automobile et que ce petit monde hyperactif lui semblait être tout à fait normal. Une fois adulte, les coulisses et les intrigues de ce sport ne lui posaient pas de problèmes. Jacques a surtout hérité de la féroce détermination, de la conviction d’être le meilleur, de l’incroyable confiance en soi et de l’ardent désir de prendre des risques de son père Gilles.
Sincèrement, je ne crois pas que le talent, ou plus précisément ici l’aptitude à piloter une voiture à l’extrême limite se transmette comme patrimoine générique. Je crois plutôt que ce sont les qualités psychologiques et les aptitudes mentales qui passent d’une génération à la suivante. Et cela s’applique sûrement pour tous les sports : hockey, tennis, soccer, ski alpin, athlétisme, etc.
Alors comment se fait-il que plusieurs pilotes de F1, incluant des Champions du monde, ont connu une si belle carrière alors que rien, strictement rien, ne les prédestinait à se faufiler dans le baquet d’une monoplace ? C’est le cas de Keke Rosberg dont le père était dentiste, d’Alain Prost dont le papa était artisan et de Nelson Piquet, fils d’un diplomate.
Puis, regardons le cas de Damon Hill, Champion du monde en 1996. Son père était Graham Hill, un excellent pilote au palmarès exceptionnel qui a remporté deux titres mondiaux en F1, gagné les 24 Heures du Mans et les 500 Milles d’Indianapolis. Pourtant, Graham Hill était un mécanicien chez Lotus qui a passé son permis de conduire à 24 ans et qui a commencé à courir à 25 ans. Pour lui, piloter était facile, inné, comme un don. Son fils Damon a eu plus de mal. Il fut très ordinaire à son premier cours de pilotage en France. Il a dû travailler très fort pour arriver à signer de bons chronos et gagner des courses. Tout le contraire de son père.
Alain Prost vient d’un milieu qui n’a rien à voir avec le sport automobile. Il est pourtant devenu “Le professeur” qui a remporté quatre titres mondiaux. Il a eu deux garçons. Sacha est devenu un homme d’affaires. Il a fait très peu de course automobile, et seulement pour le plaisir. Son autre fils, Nicholas, a eu une carrière plus sérieuse, a effectué des essais en F1, puis a couru en endurance et en Formule E. Toutefois, il n’a pas hérité du talent stupéfiant de son papa.
On peut aussi considérer les carrières de Mario Andretti et de son fils Michael. Mario a gagné en F1, en IndyCar, en endurance et en NASCAR. Difficile trouver un pilote qui était plus éclectique. Michael était lui aussi talentueux. Il l’a prouvé en IndyCar. Mais selon moi, le niveau de compétition de l’IndyCar ne l’a pas poussé à travailler assez dur pour réellement progresser. Il s’en est aperçu en F1 aux côtés d’Ayrton Senna chez McLaren en 1993. Michael a tout misé sur son talent. Il ne s’est jamais remis en question et n’a pas tout fait en son pouvoir pour réussir.
Il y a aussi les fils d’anciens Champions du monde de F1 qui ont eu de bonnes carrières, sans toutefois courir en Grand Prix. Parmi eux, on peut citer Mathias, fils de Niki Lauda, Leo et Greg Mansell, les fils de Nigel, Paul Stewart, fils de Jackie ainsi que Tomas et Toby Scheckter, les garçons de Jody.
Un autre facteur à considérer est la compétitivité de la voiture pilotée. On a beau être le fils, ou la fille, d’un ancien pilote de F1, mais si on vous confie une voiture de fond de grille, il est impossible de réaliser d’exploits. Ce fut le cas pour Nelson Piquet, trois fois champion du monde et son fils Nelsinho (un seul podium en 28 GP pour Renault), Jack Brabham, trois fois champion du monde et ses garçons David (28 GP avec Brabham et Simtek aucun point) et Gary (deux non-qualifications avec la Life), Hans Stuck (pilote de F1) et son fils Hans-Joachim (deux podiums en 81 GP avec March, Brabham, Shadow et ATS).
Et parfois, c’est l’inverse quand le garçon réalise de bien meilleures performances que le père. Le meilleur exemple est sûrement celui de Max Verstappen qui a déjà remporté dix victoires en F1 alors que son père Jos n’a grimpé sur le podium qu’à deux reprises en 107 épreuves en ayant pourtant conduit pour de bonnes écuries comme Benetton et Stewart.
Le dernier point à considérer est le nom de famille célèbre ou connu en F1. Cela ouvre évidemment des portes, mais place aussi énormément de pression sur les épaules du fils ou de la fille. Le père, bien placé et parfois fortuné, peut ouvrir des portes, faciliter des contacts et trouver des commanditaires. Mais c’est au rejeton de faire ses preuves et de se faire un prénom. Certains ont réussi. D’autres, pas du tout.
Terminons sur une constatation intéressante. Il n’y a eu dans l’histoire moderne de F1 que deux cas de père et fils devenus Champions du monde. Ce fut d’abord le cas avec Graham et Damon Hill, puis ce le fut une seconde fois avec Keke et Nico Rosberg.
Mick Schumacher, le fils de Michael, va effectuer ses débuts en F1 chez Haas dans quelques mois. Sera-t-il capable de réaliser les mêmes exploits de son illustre père ? À suivre !
Pères et fils pilotes de Formule 1 (depuis 1950 seulement)
Michael Schumacher (1991 à 2012, 7 fois Champion du monde) et Mick (débute en F1 en 2021)
Graham Hill (1958 à 1975, Champion du monde en 1962 et 68) et Damon (1992-1999, Champion du monde en 1996)
Jack Brabham (1955 à 1970, Champion du monde en 1959, 60 et 66) et Gary (2 non-qualifications) et David (24 GP, 0 point)
Mario Andretti (1968 à 1982, Champion du monde en 1978) et Michael (1993, 1 podium avec McLaren)
Keke Rosberg (1978 à 1986, Champion du monde en 1982) et Nico (2006 à 2016, Champion du monde en 2016)
Nelson Piquet (1978 à 1991, Champion du monde en 1981, 83 et 87) et Nelsinho (2008-2009, 1 podium avec Renault)
Jos Verstappen (1994 à 2003, 2 podiums avec Benetton) et Max (Red Bull Racing, 10 victoires)
Gilles Villeneuve (1977 à 1982, 6 victoires) et Jacques (1996-2006, Champion du monde en 1997)
Jan Magnussen (1995 à 1998, 25 GP, 1 point) et Kevin (depuis 2014, 1 podium avec McLaren)
Wilson Fittipaldi (1972 à 1975, 35 GP, 3 points) et Christian (1992 à 1994, 40 GP, 12 points)
Jonathan Palmer (1983 à 1989, 83 GP, 14 points) et Jolyon (2016 et 2017, 35 GP, 9 points)
Manfred Winkelhock (1982 à 1985, 47 GP, 2 points) et Marcus (2007, 1 GP, abandon)
Satoru Nakajima (1987 à 1991, 74 GP, 16 points) et Kazuki (2007 à 2009, 36 GP, 9 points)
André Pilette (1951 à 1964, 9 GP, 2 points) et Teddy (1974, 1 GP, abandon)
Hans Stuck (1952 et 1953, 3 GP, 0 point) et Hans-Joachim (1974 à 1979, 2 podiums avec Brabham)