La plupart des amateurs de sport automobile savent qu’au courant des années 70, l’Ontarien Bill Brack a été l’un des plus farouches adversaires de Gilles Villeneuve en Formule Atlantique. Pourtant, peu savent que Brack a disputé trois Grands Prix du Canada en Formule 1 et a, d’une certaine façon, pavé la voie à Villeneuve.
Né le 26 décembre 1935 à Toronto, Bill Brack (de son vrai nom William), passionné par les courses de voitures, est rapidement devenu "M. Mini" au pays. Si vous pilotiez une Mini à cette époque, il y a de fortes chances que vous ayez été battu par Bill Brack...
Ce dernier a commencé sa carrière en courant sur la glace aux commandes d’une Mini prêtée par son employeur sur les lacs gelés de Huntsville dans la région de Muskoka au nord de Toronto. Puis, Brack a acheté sa première Mini de Gord Brown d’Ensign Motors. Homme d’affaires avisé, il ouvre ensuite son propre garage, Sports Cars Unlimited, et devient l’importateur officiel des voitures Lotus pour le Canada.
En 1967, il pilote une Lotus 47 (une Lotus Europe modifiée pour la compétition) et devient champion canadien de voitures sedans. Il découvre aussi les monoplaces et en 1967 et 68, il décroche le titre de champion de la côte est de Formule B à bord d’une Lotus 41. On voit aussi Brack conduire en série Trans-Am ainsi qu’en endurance, disputant même les 12 Heures de Sebring en 1968.
Grâce à ses contacts chez Lotus au Royaume-Uni, Brack parvient à convaincre Colin Chapman de lui louer une Lotus 49-Cosworth d’usine pour disputer le Grand Prix du Canada de 1968 au circuit du Mont-Tremblant. Il s’agit de la troisième voiture du Team Lotus, louée au coût de 6000$ canadiens (soit 43 000$ canadiens aujourd’hui en tenant compte de l’inflation)...
Dans une interview accordée en 2004 au magazine Vintage Race Car Journal, Brack raconte avoir appris à Graham Hill, pilote d’usine Lotus, qu’il allait conduire la troisième voiture de l’écurie le week-end du Grand Prix. Hill, qui n’était pas du tout au courant de cette location et qui jugeait Brack trop inexpérimenté, lui a répondu "Quoi ? Jamais de la vie !" Une fois arrivé au circuit, Brack apprend qu’il n’a droit qu’à cinq tours de piste en essais et cinq autres tours en qualification. "Il était évident qu’ils ne voulaient pas que j’endommage la voiture" avait déclaré Brack. Il se qualifie dernier, remonte au 13e rang, mais abandonne au 18e tour sur bris d’un arbre de transmission.
Brack dispute deux autres Grands Prix du Canada. En 1969 à Mosport, aux commandes d’une BRM P138 V12, il se qualifie 18e (sur 19), mais doit s’arrêter aux puits pour y faire effectuer une réparation. Il termine à 10 tours du vainqueur et n’est pas classé. En 1972, il loue à nouveau une BRM P180 V12 pour l’épreuve de F1 à Mosport. Qualifié en queue de peloton, Brack occupe la 18e place quand il effectue un tête-à-queue au virage Moss qui met fin à sa course.
De belles batailles en Formule Atlantique
Au cours qui années suivantes, Brack devient l’un des meilleurs pilotes de monoplaces en Amérique du Nord. En 1973, il devient champion du Challenge Player’s de Formule B à bord d’une Lotus 59/69. L’année suivante, la règlementation technique change et la Formule B devient la Formule Atlantique. Il installe un moteur quatre cylindres Ford BDA dans sa Lotus, décroche la commandite des additifs STP et récolte le titre canadien. Un an plus tard, il troque sa Lotus pour une Chevron B29 et est sacré champion du Challenge Player’s CASC.
Brack démontre tout son talent en bataillant ferme contre des pilotes de renom comme Elliott Forbes-Robinson, Gilles Villeneuve, Keke Rosberg, Howdy Holmes, Bobby Rahal et Price Cobb. En 1976, la Formule Atlantique présente deux championnats : la série Player’s au Canada et l’IMSA en Amérique du Nord. Gilles Villeneuve remporte les deux titres tandis que Brack se concentre sur le championnat canadien où il termine en troisième place, sans remporter de victoire.
En 1977, Brack remporte une victoire et se classe troisième en série Labatt Atlantique au volant d’une March 77B de l’écurie Doug Shierson Racing. Les choses vont moins bien un an plus tard pour Brack. Les Holmes, Rosberg et Cobb ont pris de l’expérience et relèguent Brack en huitième place au classement final, malgré une victoire, sa dernière, récoltée au Grand Prix de Trois-Rivières le 3 septembre.
Sa carrière prend fin en 1979. Toujours en Formule Atlantique, il termine troisième dans les rues de Long Beach à bord d’une March 78B préparée par Bill Brack Racing. Il abandonne au Mexique, puis accroche son casque. Il confie alors le volant de sa March à Jacques Villeneuve, le frère de Gilles, qui débute en Formule Atlantique.
Brack se concentre ensuite sur ses entreprises et ouvre des concessions automobiles, incluant Downtown Motors au centre-ville de Toronto. Par la suite, il crée une école de pilotage et de conduite avancée, Brack Driving Concepts, basée au circuit de Shannonville en Ontario.
Maintenant à la retraite, Bill Brack célèbre aujourd’hui son 85e anniversaire de naissance.