L’hiver est arrivé et avec le froid vient une catégorie de sport automobile saisonnière : la course sur glace. Et l’un des privilèges d’être journaliste spécialisé en course automobile est celui de pouvoir s’installer au volant de véritables voitures de compétition et d’effectuer des essais en piste.
L’un des bolides les plus déroutants que j’ai pu essayer est cette Citroën DS prototype de course sur glace que le grand champion de rallyes, le Suédois Björn Waldegård, a piloté lors de la Ronde hivernale de Chamonix en 1972, il y a 48 ans de cela. J’ai eu droit à cet honneur lors d’une visite privée du Conservatoire de Citroën à Aulnay en banlieue parisienne, interdit au public à cette époque.
La Citroën DS de série est apparue en 1955 et était réellement en avance sur son temps avec des technologies fort avancées, notamment une suspension hydropneumatique comprenant un système de mise à niveau automatique et une garde au sol variable destinées à améliorer le comportement routier du véhicule sur les routes de France, en mauvais état. Ce serait une voiture parfaite pour nos routes et nos rues !
Ce prototype, restauré à neuf par les experts du Conservatoire, a été produit pour disputer des courses sur la glace. En 1972, Waldegård avait terminé l’épreuve de Chamonix au pied du Mont-Blanc en deuxième place en dépit de la perte d’une roue lors de la manche finale. Cette DS a été magnifiquement bien conservée. Elle est dans l’état exact dans lequel elle a disputé la course en 1972, avec sa carrosserie orange, les autocollants des partenaires techniques et son numéro 16 sur les portières.
Denis Huille, qui était le directeur du Conservatoire à ce moment, m’avait expliqué comment cette DS avait été modifiée pour affronter les circuits de glace. L’empattement avait réduit de neuf centimètres afin de faire pivoter la voiture plus facilement dans les virages. Le moteur V6 atmosphérique de trois litres et près de 250 chevaux, produit par Maserati et préparé pour la course, est logé sous le capot avant, mais en position très reculé. Tout le circuit électrique avait été haussé pour éviter que l’eau ne cause des pannes.
La suspension hydropneumatique est toujours fonctionnelle et se remarque par les sphères vertes qui contiennent le liquide placé sous pression par une pompe mécanique. On note des roues très spéciales, fabriquées en composite plastique et non pas en magnésium ou en aluminium.
Un moteur très musical
À bord, surprise, pas de baquets de course, mais deux sièges d’origine en cuirette. Face à moi, le volant de grand diamètre et la planche de bord d’origine, à part deux témoins lumineux rouge en cas de perte de pression d’huile. Démarrage. Le V6 tourne au ralenti à 1000 tours/minute dans une sonorité enivrante, sublime. L’accélérateur répond instantanément et l’aiguille du compte-tours bondit de 1000 à 5000 tours en une fraction de seconde. Denis Huille m’autorise à effectuer trois tours du circuit de karting qui jouxte le Conservatoire.
Le court levier de vitesses avec son pommeau en bois est fort imprécis et la direction me semble être beaucoup trop assistée. Ça flotte ! Les pneus, des Michelin XAS de taille 185/70R15, sont d’origine. Le caoutchouc a beaucoup durci au fil des ans, rendant les pneus durs comme du bois. Ils crissent dans chaque virage, même à basse vitesse, et la DS sous-vire "comme une vache"...
La direction assistée possède un mécanisme de centrage automatique. Lorsque je braque le volant dans un virage puis le relâche, il revient tout seul en position droite. Ce sont les freins qui sont le plus... insolites. Comme dans la DS de série, celle de glace ne possède par une véritable pédale de freins traditionnelle, mais une sorte de suce en caoutchouc au plancher. Ne transmettant aucun feeling, cette suce est toutefois très sensible. Dès que je pose mon pied dessus, la DS freine comme une F1 ! Doser le freinage aura été le plus grand défi lors de mon court essai.
Les accélérations sont franches et quelle belle mélodie à bord ! L’absence de roulis dans les virages est un régal. La DS demeure bien à plat avec une garde au sol constante. Malgré son grand âge, ce système hydropneumatique fonctionne encore à merveille.
Une fois les trois tours terminés, j’ai dû rendre cette magnifique DS aux experts du Conservatoire tout en me disant que Björn Waldegård était un véritable "dieu du volant" pour avoir décroché un si beau résultat à son bord en 1972...