Le Mondial Player’s Ltée, seule et unique manche du Championnat mondial des sports prototypes (WSPC en anglais) à avoir été présentée en Amérique du nord en 1990, s’est terminé de façon abrupte après un accident qui aurait pu avoir des conséquences tragiques.
Cette manche fut présentée sur le circuit Gilles-Villeneuve à Montréal le week-end des 21, 22 et 23 septembre 1990. Les plus belles voitures d’endurance de la catégorie Groupe C avaient fait le déplacement, comme les Sauber Mercedes C11, Nissan R90CK, Porsche 962C, Toyota 89C-V, Jaguar XJR-11, Courage C24S ainsi que pour la première fois en piste, la toute nouvelle Peugeot 905.
La Peugeot à moteur V10 (au son fantastique), avait été développée durant la saison 90 et fut inscrite aux deux dernières épreuves de la saison, au Canada et au Mexique. La 905 était pilotée par l’ancien pilote Renault F1, Jean-Pierre Jabouille, et le Champion du monde F1 1982, Keke Rosberg. Malgré les efforts des organisateurs, aucun pilote canadien n’était inscrit à cette course.
Le Français Jean-Louis Schlesser réalise la pole position aux commandes de la Sauber Mercedes No. 1 dotée d’un gros moteur V8 turbo cinq litres qui sonne comme un stock-car ! Le couple phénoménal du V8 propulse la Mercedes grise avec efficacité à la sortie des chicanes. Schlesser est épaulé par Mauro Baldi ce week-end.
Mark Blundell et Julian Bailey inscrivent le second temps lors des qualifications à bord de la Nissan, battant la Jaguar de Martin Brundle et Jan Lammers, la seconde Mercedes de Jochen Mass et Karl Wendlinger, et la Porsche 962C de l’écurie Joest, pilotée Jonathan Palmer et Hans Stuck.
Au départ, Schlesser prend les commandes de la course, mais il se fait doubler par Brundle dans la Jaguar durant le second tour. Brundle mène la course jusqu’à ce que la Nissan de Julian Bailey prenne le relais. Tout se déroule bien. Mais sur ce circuit fait de freinages et d’accélérations, tous les pilotes en piste reçoivent le message d’économiser du carburant. En roulant à fond, il leur est impossible de rallier l’arrivée.
Wendlinger, dans la seconde Mercedes, perd du temps à cause d’une crevaison, puis, au 58e tour, Baldi (Mercedes) et Lammers (Jaguar) font le contact avec la Nissan de tête. Baldi double la Nissan, puis la Jaguar abandonne suite au bris d’un arbre de transmission.
Et puis, c’est le chaos
La catastrophe survient peu après. Les bolides du Groupe C génèrent un effet de sol colossal ; une succion suffisamment puissante pour aspirer et déloger un couvercle d’égout qui avait, semble-t-il, bel et bien été soudé en place avant la course. Bien qu’il soit difficile d’affirmer sans se tromper ce qui s’est passé, voici un récit probable des événements.
La Nissan de Kenny Acheson a, semble-t-il, délogé de son socle le lourd couvercle de l’égout situé juste avant le Pont des Iles. Puis, le passage de la Spice de Fermin Vélez aurait fait se soulever le couvercle qui est retombé, mais en angle sur son socle. La Courage de Denis Morin a percuté le couvercle de plein fouet, l’éclatant en morceaux. Un gros fragment a traversé le pare-brise et la coque de la Porsche de Brun Motorsport, pilotée par Jesus Pareja. L’autre Porsche Brun, pilotée par Harald Huysman, a elle-aussi percuté des débris et a frappé le mur, roue avant gauche arrachée. La course est immédiatement arrêtée au drapeau rouge.
Le morceau de couvercle qui a traversé la Porsche de Pareja a perforé le réservoir d’essence et arraché le réservoir d’huile. Au fond de l’échappatoire, le bolide de 750 000$ prend immédiatement feu. Huysman se précipite pour aider Pareja à s’extraire de la voiture en flammes. Ce dernier s’en sort relativement bien avec quelques brûlures au second degré, mais une énorme colère envers les organisateurs.
Les dégâts au circuit sont considérables. Les discussions font rage : dont-on reprendre la course ou pas ? Après ce qui semble être une éternité, la direction de course agite le drapeau à damier, la course est terminée. Le classement est final, et puisque 75% de la distance n’a pas été parcourue, seule la moitié des points est accordée.
Ayant complété 61 tours et 267,79 km, Schlesser et Baldi remportent donc la victoire à bord de la Sauber-Mercedes devant la Nissan de Bailey et Blundell et la Porsche 962C du Richard Lloyd Racing, pilotée par Manuel Reuter.
Inutile de préciser que les sports prototypes ne sont jamais revenus à Montréal, et que ce triste épisode a fait modifier les procédures de soudure et de fixation des couvercles d’égouts des circuits automobiles.
Un amateur présent en 1990 a filmé, par pur hasard, le moment où la Spice de Vélez percute le couvercle d’égout. Ce moment survient à 9:30 de la vidéo que nous vous invitons à découvrir ci-dessous.