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22 septembre : Premier GP du Canada au Mont-Tremblant, Henri Pescarolo nous raconte son expérience

22 septembre : Premier GP du Canada au Mont-Tremblant, Henri Pescarolo nous raconte son expérience

Mardi 22 septembre 2020 par René Fagnan
Crédit photo: Archives Ferrari

Crédit photo: Archives Ferrari

Après une première édition présentée à Mosport Park en Ontario en 1967, le Grand Prix du Canada a déménagé son chapiteau au circuit du Mont-Tremblant dans les Laurentides en 1968, un tracé aussi connu sous le nom de circuit de St-Jovite.

Vingt-deux voitures étaient inscrites à cette manche du Championnat du monde des conducteurs, 10e étape de 12. Cette liste comprend deux Canadiens : Al Pease qui a engagé sa Eagle T1F à moteur Climax avec l’aide de Castrol, et Bill Brack qui a loué une Lotus 49B-Cosworth au Team Lotus.

Quelques semaines avant la course, Jo Bonnier du GPDA (l’association des pilotes de Grand Prix) est venu inspecter le circuit et a exigé des travaux de mise à niveau, comme le nivellement de certains bas-côtés et l’installation de rails de sécurité supplémentaires. Par contre, à leur arrivée sur place, quelques pilotes trouvent encore certaines zones du tracé trop étroites et légèrement dangereuses.

« Moi, un circuit dangereux, ça ne me dérangeait pas. En fait, je n’ai jamais regardé la dangerosité d’un circuit » nous a récemment raconté le grand Henri Pescarolo, un des huit pilotes qui ont participé à cette course qui sont encore des nôtres.

Pescarolo, aujourd’hui âgé de 77 ans, a couru en Formule 1, récoltant un podium, mais a surtout fait sa marque en endurance, accumulant quatre victoires aux 24 heures du Mans et détenant encore le record du nombre de participations avec 33.

« Ça me plaisait d’aller au Canada, dans un pays où la nature est reine. Ce fut un grand bonheur de découvrir le circuit du Mont-Tremblant et cette région, car j’aime bien les régions sauvages. Nous avions un petit peu de temps à notre disposition, alors on s’est baladé autour pour visiter. Le circuit était beau, naturel et intéressant. Ça montait, ça descendait, ça tournait, avec une bonne ligne droite... Il y avait un peu de tout et moi, j’adorais ça. C’est tout ce qui m’importait » ajoute Pescarolo.

Pescarolo et Jean-Pierre Beltoise avaient été inscrits par Matra pour piloter des MS11 : des monoplaces de Formule 2 munies du nouveau moteur Matra V12 de trois litres. « En 1968, il n’était normalement pas question que je fasse de la F1. J’étais en pleine saison de F2 avec Beltoise. Matra avait inscrit en fin de saison une F2 modifiée ; une coque de F2 dans laquelle ils avaient installé le nouveau moteur V12 MS9 pour préparer l’arrivée officielle de ce moteur en endurance et en F1. J’ai disputé trois Grands Prix, celui du Canada, des États-Unis et du Mexique » précise Pescarolo.

« Matra a été le premier constructeur à fabriquer des coques rivetées pour la F3 et la F2, comme ça se faisait dans l’aviation. La coque était très rigide et on a gagné beaucoup de courses dans ces catégories. Greffer un V12 de trois litres au lieu du petit quatre cylindres n’a pas causé trop de problèmes si ce n’est que c’était très encombré à l’arrière. C’était bizarre, car il y avait cette coque très fine et ce gros moteur qui dépassait de partout à l’arrière. Il s’agissait d’une voiture-prototype pour faire tourner le moteur V12 sur des circuits » ajoute-t-il.

Les qualifications se déroulent mal pour Jacky Ickx quand l’accélérateur de sa Ferrari se coince en position ouverte. C’est l’accident, et le Belge s’en tire avec une jambe cassée, ce qui met fin à ses espoirs d’être sacré champion.

Jochen Rindt installe sa Brabham-Repco en pole position (1’33”8) devant la Ferrari de Chris Amon, la Lotus-Ford privée de Jo Siffert, la McLaren-Ford de Dan Gurney et la Lotus-Ford de Graham Hill. Pescarolo est 19e et avant-dernier sur la grille (1’41”2) et démarre aux côtés de Bill Brack.

Un V12 encore très jeune

« Cette voiture, la MS11, ne marchait pas du tout.  Le moteur V12 était encore très jeune et j’en ai cassé trois durant le week-end. Ce qui m’a mis très en colère était que l’équipe avait l’air de m’accuser de casser moi-même les moteurs. Évidemment, quand quelque chose casse, c’est toujours la faute du pilote et pas de l’équipe. À un moment, j’étais immobilisé dans les puits et ça durait longtemps. Par hasard, j’avais un stylo feutre dans la main et j’ai écrit en gros le mot “merde” sur mon volant. Un journaliste a pris une photo et elle fut publiée dans les journaux. Ç’a fait mauvais effet... » avoue “Pesca”.

Le départ est donné sous un magnifique ciel bleu. Amon bondit en tête, pourchassé par Siffert, Rindt et Gurney. Au 14e tour, Graham Hill double Gurney qui abandonne plus tard sur bris de radiateur. Au 29e tour, la Lotus de Siffert subit une fuite d’huile terminale, ce qui fait grimper Rindt en deuxième place derrière Amon. Rindt abandonne toutefois au 38e tour quand son moteur Repco explose. Tout ceci profite au Néo-Zélandais Denny Hulme, parti sixième et qui occupe maintenant le second rang.

Coup de théâtre au 73e tour sur 90 quand la transmission de la Ferrari d’Amon casse net, propulsant Hulme en tête. Ce dernier est le seul à terminer les 90 tours de l’épreuve (complétée en 2 heures et 27 minutes) et récolte la victoire devant son coéquipier (et patron !) Bruce McLaren et Pedro Rodriguez sur une BRM.

Malgré son manque d’expérience de la F1, Henri Pescarolo parvint à disputer une course intelligente. Après un départ prudent, il ne cessa de gagner des places. Au 54e tour, il occupait le huitième rang devant son coéquipier chez Matra, Jean-Pierre Beltoise, ainsi que Jackie Stewart et Lucien Bianchi. Mais à ce moment-là, son moteur Matra rendit (encore) l’âme...

« Ce fut un week-end assez frustrant pour moi, car à cause des casses de moteurs, je n’ai pas beaucoup roulé. Il y avait un gros problème de lubrification. Je ne sais pas si cela provenait du fait que le moteur était installé dans une si petite coque ou s’il y avait un autre souci. Par contre, ce moteur a été d’une exceptionnelle fiabilité quand on l’a installé dans les bonnes voitures, soit la MS660 d’endurance d’abord puis la MS120 de F1 ensuite. Mon grand regret est de ne jamais être retourné courir au Mont-Tremblant, car j’aurais bien aimé cela » termine Pescarolo.