La fibre de carbone a fait son apparition en sport automobile au milieu des années 70, servant à fabriquer des pièces non structurelles. Puis, au début des années 80 sont apparues les premières monocoques en carbone.
Léger, hyper résistant, insensible à la corrosion, la fibre de carbone est le matériau par excellence en sport automobile, sauf qu’il est cher à produire, repose sur une modification physique d’un polymère, et ne dispose pas de schéma de recyclage à ce jour.
La fibre de carbone seule ressemble à du tissu noir souple. Une fois imprégnée d’une résine thermodurcissable, elle devient extrêmement rigide. C’est ce qu’on appelle un matériau composite, car formé de deux éléments différents dont l'association confère à l'ensemble une très grande résistance. On retrouve des composites dans la nature, comme le bois, la paille de blé, les roseaux et le bambou. Avec le composite carbone, l’humain n’a fait que reproduire ce qui se faisait déjà dans la nature.
Dans une voiture de Formule 1 actuelle, 75% du poids est associé au composite carbone (presque toute la monoplace, sauf le moteur et la transmission). Les pièces en carbone qui sont en fin de vie ne peuvent toutefois pas encore être recyclées, ce qui génère des quantités importantes de déchets.
Les techniciens de l’écurie McLaren se sont penchés sur ce problème environnemental et ont fait appel avec une entreprise suisse, Bcomp, pour produire des sièges pour Carlos Sainz et Lando Norris faits de fibres textiles renouvelables.
Startup créée en 2011 dans un garage de Fribourg, Bcomp a vite grandit et a remporté de nombreux prix. Elle a depuis collaboré avec, entre autres, Electric GT, l’Agence spatiale européenne, le DTM, le projet Solar Impulse et le constructeur automobile Polestar.
En optimisant les propriétés mécaniques des fibres de lin, il a été possible de fabriquer un siège ayant la résistance et la rigidité requises, mais avec une empreinte carbone réduite de 75% par rapport à son homologue en fibre de carbone. L’utilisation de la fibre de lin permet aussi de réduire le coût des matières premières jusqu'à 30% en comparaison à la fibre de carbone traditionnelle.
Le lin, qui pousse facilement, est idéal pour les programmes de rotation des cultures, peut être cultivé sans entrer en concurrence directe avec les autres plantations, est une matière première neutre en CO2 et ses fibres sont biodégradables. Le nouveau siège McLaren est une coquille de protection fabriquée d’une structure de tissu de lin - une sorte de treillis - qui agit comme une épine dorsale et qui est ensuite recouverte d’un tissu de renfort en fibres de lin filé et tissé de façon optimale.
« La fibre de lin se rapproche de la fibre de carbone conventionnelle tout en réduisant l'empreinte écologique de 75%, abaissant les coûts, réduisant les vibrations et améliorant la sécurité » explique Steve Foster, ingénieur principal en composites chez McLaren F1. « Le nouveau siège Bcomp a été testé lors des essais présaison et n’a révélé aucun problème. Nous espérons lui faire disputer un premier Grand Prix dans un avenir proche. »
Des applications multiples
La structure tubulaire des fibres de lin offre une faible densité et une grande rigidité, ce qui permet de réduire le poids de 9% par rapport au carbone tout en améliorant simultanément l'amortissement des vibrations ainsi que la résistance à la rupture, à la torsion et à la compression.
Un autre point très intéressant est que lorsqu'elle se casse, la fibre de lin n'est pas, comme la fibre de carbone, sujette à la rupture et à l'éclatement. On sait que des débris de carbone, provenant d’un accident ou d’un accrochage, et disséminés sur la piste peuvent facilement provoquer des crevaisons. Ainsi, il serait possible d’employer des fibres de lin pour produire certaines pièces des zones non critiques et semi-structurelles des monoplaces, comme les dérives d’ailerons, les aubes de déviation, les rétroviseurs, le capot moteur et même le plancher.
Pour terminer, les ingénieurs de McLaren songent aussi à troquer les moules de pièces en carbone par des nouveaux de fibre de lin, car cette fibre possède aussi une faible dilatation thermique.
Pour terminer, il existe toute une gamme d'applications possibles au-delà de la monoplace elle-même, notamment pour l’équipement employé dans les puits, les panneaux de séparation utilisés dans les garages, les caisses de transport, les stands des équipes en bord de piste et même les panneaux latéraux des camions-ateliers.
Toutefois, il n’est pas encore envisageable de concevoir une monocoque de F1 avec des fibres naturelles. Le carbone est, dans ce cas précis, irremplaçable.