En 1931, durant la Grande Dépression, cette très grave crise économique mondiale, peu de gens s’intéressaient à la course automobile et encore moins aux 500 milles d’Indianapolis. Pourtant, cette édition des 500 milles fut marquée par un exploit peu commun.
Clessie Lyle Cummins, un jeune ingénieur autodidacte, travaille comme mécano sur la Marmon Wasp pilotée par Ray Harroun qui gagne l’Indy 500 en 1911. Quelques années plus tard, il fonde son entreprise, Cummins Engine Company, qui produit des moteurs diesel. Ses moteurs trouvent essentiellement preneurs dans l’industrie maritime, mais Cummins désire percer le monde de l’automobile.
Il décide alors de relever un pari fou : celui de faire courir une voiture à moteur diesel aux 500 milles d’Indianapolis. Il espère que la faible consommation de carburant de son bolide servira de bonne publicité pour enfin intéresser les constructeurs automobiles américains à munir leurs véhicules de moteurs diesel.
Les organisateurs de la course voient cette initiative de bon œil. Ils changent même le règlement sportif afin d’encourager la participation de voitures à moteur diesel. Ainsi, toute voiture diesel qui complètera ses quatre tours de qualification à une vitesse moyenne supérieure à 80 m/h (129 km/h) sera automatiquement autorisée à prendre le départ de la course.
La Cummins Diesel Special, qui porte le numéro 8, est engagée par Clessie Cummins et est pilotée par Dave Evans en compagnie de Thane Houser, son mécanicien, qui doit obligatoirement (c’est le règlement) être assis dans le véhicule pendant toute la course.
Le bolide de 1537 kg (3389 livres) consistait en un châssis Duesenberg Type A raccourci et propulsé par un moteur diesel Cummins quatre cylindres Model U (destiné à un usage maritime) de 360 pouces-cubes (soit 5,9 litres) qui développait 85 chevaux. Afin de tester son endurance, la voiture était régulièrement conduite de l’usine Cummins située à Columbus en Indiana au Speedway d’Indianapolis, soit une distance de 72 km.
Dès ses premiers tours de piste, la Cummins Diesel Special se montre fort à l’aise. Lors des qualifications, Evans inscrit une vitesse moyenne de 96,871 m/h (155,8 km/h) et puisqu’il a roulé à plus de 80 m/h, il a une place assurée sur la grille de départ. En comparaison, les voitures à essence les plus rapides ont roulé à une vitesse moyenne située entre 110 et 116 m/h.
Par contre, ce qu’Evans, Houser et Cummins n’avaient pas vraiment publicisé est le fait qu’ils prévoyaient disputer toute la course sans effectuer un seul arrêt aux puits pour faire le plein de carburant ! Si la Cummins Diesel Special était un peu plus lente que les autres, elle n’avait toutefois pas à s’arrêter régulièrement pour faire le plein, ce qui lui ferait gagner des positions au classement.
En préparation au départ, le réservoir de carburant est rempli à ras bord et des coussins de protection sont ajoutés dans l’habitacle afin d’offrir un peu de confort aux occupants dans ce qui sera une longue épopée.
Evans, qui a déjà disputé trois fois l’Indy 500, ne prend aucun risque durant les premiers tours et évite habilement les traditionnels carambolages qui marquent le début des 500 milles.
Durant la course, Evans et Houser remarquent toutefois que la température de l’eau du moteur est un peu trop élevée. Ils font un signe convenu à leur panneauteur, Jimmy Doolittle, une légende du monde de l’aviation, mais ce dernier ne comprend pas le signe des mains. C’est normal, car Doolittle n’a pas lu le papier qui lui indiquait tous les signaux que l’équipage pouvait lui faire ! Il retrouvera ce papier dans une poche de sa veste une fois la couse terminée... Evans, ne voyant pas de réaction ni de signaux de la part de Doolittle, a donc poursuivi donc sa route sans stopper aux puits.
La voiture No. 8 complète les 500 milles sans s’arrêter en 5h 48’ 8,940” à la vitesse moyenne de 138,677 km/h et est classée en 13e position. Le moteur diesel a consommé 31 gallons US de carburant (117,4 litres) et un petit litre d’huile pour un coût total, à l’époque, de 2,40$ américains. L’équipage eut même droit d’encaisser une bourse de 450$ pour sa performance.
C’était la première fois dans l’histoire des 500 milles d’Indianapolis qu’une voiture disputait toute la course sans effectuer un seul arrêt.