Dessinée par Gérard Ducarouge et Michel Beaujon, la JS5 a été la première monoplace de Formule 1 de l’écurie française Ligier fondée par Guy Ligier. Cette voiture aux formes peu usuelles était surmontée d’une énorme cheminée qui en a fait rire certains, mais intrigué d’autres.
Nous sommes à la fin de 1975 et la JS5 vient d’être présentée au grand public avant d’effectuer ses premiers essais avec Jean-Pierre Beltoise, puis Jacques Laffite au circuit Paul-Ricard en France en préparation à la saison 1976. Ce qui caractérise cette voiture est cette cheminée XL qui est en réalité la prise d’air du moteur atmosphérique Matra V12 d’une cylindrée de trois litres.
À cette époque, la taille de cette boîte à air n’est pas vraiment règlementée, et Ducarouge en a profité pour offrir au commanditaire titre, Gitanes, une énorme surface publicitaire et surtout bien gaver en air le moteur Matra, car la puissance d’un moteur dépend de la quantité d’essence et d’air qu'il aspire. Bien que de taille gigantesque, cette boîte à air a bel et bien été testée en soufflerie.
Ducarouge et Beaujon fournissent alors un cahier de charge précis au cabinet S.E.R.A. (Société d’études et de réalisations automobiles) qui fait réaliser les études aérodynamiques par Robert Choulet dans la soufflerie Eiffel située rue Boileau à Paris. Choulet fabrique une maquette de la JS5 à l’échelle ¼ qui est testée dans la veine de la soufflerie. Première bonne nouvelle : le bonnet ne perturbe pas le fonctionnement de l’aileron arrière, ce qui est capital pour une bonne motricité du train arrière.
Le bonnet dissimule un manche à air destiné à alimenter le moteur Matra. Selon les calculs effectués par les ingénieurs de Matra, le V12 doit être alimenté en air par surface de 2dm2 (1dm = 10 cm) donc 200cm2, soit 14cm x 14cm. Cet air doit être calme et non turbulent, capté très haut afin d’éviter les turbulences créées par le cockpit et le casque du pilote. C’est pour cette raison que la prise d’air du bonnet est située “en altitude”.
Quand la voiture roule en piste, l'air pénètre par l’orifice de la boîte à air et est soufflé dans le manche à air qui s'évase à sa base en forme de cornet, là où se trouvent le filtre à air et les trompettes d’admission. L'air parvient donc à cet endroit à une pression supérieure à la pression atmosphérique en raison de la pression dynamique créée par la vitesse de la voiture. De plus, la résonance générée par l'onde haute fréquence de la tonalité du moteur favorise le phénomène d’aspiration, ce qui permet à une plus grande quantité d’air de pénétrer dans le moteur.
Choulet et les autres aérodynamiciens travaillent beaucoup sur la forme du manche à air qui doit souffler l’air de façon assez constante et surtout égale dans les 12 trompettes du moteur. Puis, des études permettent de profiler au mieux les lèvres de la boîte à air afin d’obtenir un profil idéal pour que l’air s’y engouffre suffisamment même si la voiture est en lacet (en virage). Le fameux bonnet de Schtroumpf fonctionne bien et le moteur Matra produit plus de 500 chevaux à 11 600 tr/min.
Le début de saison démontre le manque de fiabilité de la JS5 qui abandonne au Brésil (boîte de vitesses) et en Afrique du Sud (moteur). Son pilote, Jacques Laffite, compte les premiers points d’une Ligier en terminant quatrième dans les rues de Long Beach lors de l’étape suivante.
Par contre, la Ligier est sévèrement pénalisée lors du Grand Prix suivant disputée en Espagne. Cette épreuve marque l'entrée en vigueur de la nouvelle règlementation technique ordonnée par la CSI (la Commission sportive internationale) qui impose, entre autres, une hauteur maximale aux boites à air qui doivent désormais être d’une hauteur égale à celle de l’aileron arrière, soit 80cm du sol. La Ligier apparaît donc dans le paddock du circuit de Jarama dépourvue de sa cheminée. Une petite boite à air, rapidement conçue, la remplace.
Durant le reste de la saison 1976, la JS5 sera effectivement un peu moins performante, mais Laffite parviendra quand même à grimper quatre fois sur le podium, décrochant même une belle seconde place en Autriche à seulement 10”8 du vainqueur, John Watson sur une Penske. Ce fut toutefois la fin de ces hautes boîtes à air qui procuraient un certain charme aux voitures de F1.