Patrick Carpentier était un pilote particulièrement talentueux et courageux, car foncer dans une monoplace à près de 230 milles à l’heure, soit 370 km/h, sur un superspeedway ceinturé de murs de béton ne l’a jamais trop impressionné.
C’est sur l’ovale de deux milles du Michigan International Speedway, avec ses virages inclinés à 18 degrés et sa forme particulière en lettre “D”, que Carpentier, alors pilote de l’écurie Player’s Forsythe Racing, a décroché sa première victoire en série CART lors d’une arrivée exceptionnellement serrée.
La course, le Harrah's 500 Presented by Toyota, a été tenue le 22 juillet 2001 devant quelque 40 000 spectateurs. Puisque la séance de qualification avait été annulée à cause de la pluie, la grille de départ avait été constituée à partir des meilleurs temps de la troisième séance d’essais libres. Carpentier avait donc pris le départ loin derrière, en 21e place.
« [Sur cette piste] on faisait un tour de piste presqu’à fond. On avait juste assez d’appui des ailerons pour maintenir l’accélérateur presque complètement ouvert durant tout le tour, sauf dans les virages 3 et 4. Disons qu’il avait avoir du “guts” pour rouler à ces vitesses-là... » nous a raconté Carpentier.
« Pour bien faire, il fallait rouler avec une voiture parfaite. Impossible de gagner si elle ne l’était pas. Et dans ces courses sur ovales, même si tu partais en arrière du peloton, tu pouvais remonter en avant avec une bonne voiture. »
Et à cette occasion, Carpentier disposait d’une voiture parfaite ; un avion ! Dans une course folle qui a officiellement vu 60 changements de meneurs (mais 167 si on prend en compte les changements survenus au cours d’un même tour), Carpentier s’est retrouvé dans le peloton de tête lors de la dernière relance survenue au 241e tour sur 250.
« La série CART avait fait ajouter une équerre aux ailerons arrière afin de pimenter le spectacle. Tu ne pouvais pas te sauver des autres. Si tu dépassais une voiture de 15cm, elle te repassait et allait devant par 15cm. Ainsi, le meneur de la course ne pouvait pas se sauver des autres. Tu avais besoin du peloton pour rouler plus vite. Si je prenais la tête, [Dario] Franchitti me dépassait tout de suite après et ainsi de suite. On n’arrêtait pas de se doubler » ajoute Carpentier.
Avec deux tours à faire, le Québécois prend la tête, mais doit batailler férocement contre Dario Franchitti de Team Green et Michel Jourdain Jr de Bettenhausen Racing.
« J’avais une super bonne auto. Alex [Tagliani, son coéquipier] avait été moins chanceux. Il avait connu des ennuis en course et avait perdu un tour. Mais à la fin, il roulait avec le groupe de tête, mais il était un tour derrière » précise Carpentier.
La voiture de Tagliani a joué un rôle dans cette fin de course. Non pas parce “Tag” a bloqué les rivaux de Carpentier, mais parce que sa voiture a créé une aspiration qui a permis à Carpentier de rouler un peu plus vite. Plusieurs rapports de la course mentionnent que Tagliani a délibérément aidé Carpentier à gagner. Ce que n’approuve pas à 100% le principal intéressé.
« Est-ce qu’Alex m’a vraiment aidé ? Oui et non. Pour être parfaitement honnête, je ne comprenais pas pourquoi il se battait autant. Je pense qu’il voulait reprendre le tour qu’il avait perdu et il s’est battu contre moi, Franchitti et Jourdain. Je me suis vraiment demandé pourquoi il ne nous laissait pas passer. J’ai eu peur que les autres en profitent. Mais au final, ça a bien fonctionné pour moi » raconte Carpentier.
La Reynard de Carpentier a coupé l’arrivée avec une avance de 0,242 seconde sur la voiture de Franchitti. Celle de Jourdain a terminé troisième, avec seulement cinq centimètres de retard !
« C’était fou en ce temps-là. La série CART était hyper compétitive à cette époque. J’aimais les ovales, et ce fut vraiment le fun de gagner sur l’ovale de Michigan. Nous nous qualifions souvent en avant, mais en course, nous perdions graduellement du terrain et nous finissions en arrière. Un problème de gestion de pneus, je crois. Cette fois, je la voulais vraiment cette victoire. Dans le motorhome, nous avions du champagne de couleur bleu ! L’équipe Player’s avait fait produire ce champagne et elle le gardait au frais pour célébrer une victoire. Ça faisait longtemps qu’on voulait y goûter ! » de conclure Carpentier.
On peut revivre les derniers moments de cette course excitante dans cette vidéo.