Certains ingénieurs d’écuries de Formule 1, notamment Colin Chapman et Gordon Murray, en sont souvent arrivés à des interprétations particulièrement futées des règlements techniques qui leur permettaient de disposer, même durant un court moment, d’un avantage sur la concurrence.
Retour en 1982. La FISA (la branche sportive de la FIA) vient d’interdire les jupes mobiles en F1 et oblige les voitures à posséder une garde au sol d’au moins 6 cm à tout moment. Cette décision a pour objectif d’annihiler presque tout l’effet de sol ; un impact majeur sur la performance des voitures britanniques qui ne disposent à ce moment que du moteur atmosphérique Ford Cosworth. Dépossédées de l’avantage que leur procurait l’effet de sol, les écuries britanniques, regroupées sous l’égide de la FOCA (Formula One Constructors’ Association), savent bien que les voitures à puissants moteurs turbo des grands constructeurs deviennent pratiquement imbattables.
Alors, la question est de savoir comment rendre les voitures à moteurs atmosphériques compétitives face aux turbos ? Tout simplement en les faisant rouler sous le poids minimum exigé par la FISA.
C’est ici qu’une lecture extrêmement attentive du livre de règlements est effectuée dans l’espoir de trouver une faille. Et les ingénieurs des écuries Brabham et Williams découvrent comment y arriver. L’article 1, section 8 de la définition des voitures de courses monoplaces de Formule 1 stipule : « Poids : c’est le poids de la voiture en ordre de marche avec sa quantité normale de lubrifiants et de liquide de refroidissement, mais sans carburant et sans pilote à bord. »
La clé réside dans ces quelques mots : liquide de refroidissement. Il faut évidemment une certaine quantité d’eau pour refroidir le moteur. Mais si on utilisait aussi de l’eau comme ballast en prétextant qu’elle sert à autre chose ? L’objectif officiel de cette grande quantité d’eau est donc de refroidir les freins...
Les Brabham BT49D et les Williams FW07C sont donc unies de volumineux réservoirs en plastique logés dans les pontons. Les bolides disputent la course sous le poids minimum de 580 kg, car ces réservoirs sont vides. Puis, une fois la course terminée, les mécanos remplissent les réservoirs et ajoutent près de 40 kg aux voitures. Les voitures sont pesées, font 580 kg, et sont déclarées... légales !
Pourtant, plusieurs inspecteurs techniques se demandent bien par quelle intervention divine l’eau peut-elle être vaporisée sur les freins, car les dispositifs ne disposent d’aucune pompe, et seul un tuyau flexible en plastique circule entre le réservoir et les disques de freins...
Au Grand Prix du Brésil le 21 mars 1982, Nelson Piquet (Brabham) et Keke Rosberg (Williams) terminent aux deux premières places. Les voitures sont déclarées conformes par les officiels, mais Ferrari et Renault portent immédiatement appel. Cette astuce technique est très vite copiée par les autres écuries de la FOCA.
Quelques semaines plus tard, le Tribunal d’appel disqualifie Piquet et Rosberg, offrant la victoire à Alain Prost sur Renault. Au Brésil, les Brabham et les Williams respectaient le règlement, mais pas son intention. La FISA décide donc d’interdire la présence de ces réservoirs à bord des monoplaces de F1.
C’est cette controverse qui a mené à une terrible confrontation pour obtenir le pouvoir en F1 opposant les écuries de la FOCA à celles qui respectaient la FISA. Au Grand Prix de San Marino le 25 avril, seules les écuries légalistes sont présentes (Ferrari, Renault, Alfa Romeo, Osella, Toleman, ATS et Tyrrell). Les écuries de la FOCA boycottent cette épreuve.
C’est lors de cette fameuse course que Didier Pironi est allé arracher la victoire à Gilles Villeneuve en fin de parcours suite à des consignes confuses provenant du stand Ferrari. Ce fut le dernier Grand Prix auquel participa Gilles Villeneuve.