Il ne restait qu’un demi-tour à parcourir au Britannique Nigel Mansell pour qu’il remporte la victoire au Grand Prix du Canada en juin 1991. Malheureusement, soit la mécanique l’a laissé tomber à un bien mauvais moment, soit il a commis l’étourderie de sa carrière.
Ce 2 juin 1991, les deux Williams FW14-Renault de Riccardo Patrese et Nigel Mansell occupent la première ligne de départ devant la McLaren MP4/6-Honda d’Ayrton Senna et la Ferrari 642 d’Alain Prost. Il fait beau, le soleil est radieux et le départ est donné dans un fracas d’enfer.
Le bonheur de Patrese est toutefois de courte durée, car son coéquipier moustachu le double dès les premiers virages et s’empare de la tête. La course pénalise durement la mécanique des bolides. Quinze des 26 partants abandonnent à cause de bris et de pannes de toutes sortes.
Par contre, rien n’entrave la marche solitaire de Mansell. Le Britannique est parfaitement à l’aise aux commandes de cette Williams créée par Patrick Head et Adrian Newey. Toutefois, la FW14 n’est pas encore parfaitement au point. Elle est rapide, mais complexe et fragile. Pour preuve : elle a abandonné à six reprises en huit départs depuis le début de la saison (quatre pour Mansell et quatre pour Patrese).
D’ailleurs, Patrese en fait les frais à Montréal. Au 41e tour, le fonctionnement de la transmission semi-automatique de sa monoplace commence à lui causer des soucis. Alors qu’il roule en deuxième place, il se fait doubler par Stefano Modena (Tyrrell), Ivan Capelli (Leyton House) et JJ Lehto (Dallara) sans pouvoir riposter.
Nelson Piquet, sur Benetton B191-Ford, en profite pour grimper au second rang, mais loin, très loin derrière Mansell qui poursuit sa balade de santé.
Mansell entame son dernier tour de piste. Alors qu’il ne lui reste que deux kilomètres à parcourir, Mansell freine et négocie l’épingle du pont Jacques-Cartier pour la dernière fois, et puis... plus rien !
La Williams n’accélère pas. Pire, elle ralentie et Mansell, en furie, donne de grands coups de poing sur le châssis. Le bolide s’immobilise et Piquet, qui roulait en deuxième place avec presque 60 secondes de retard sur Mansell, passe à côté de la Williams muette et n’en croit pas ses yeux ! Le Brésilien, ancien ennemi juré de Mansell chez Williams, s’envole vers la victoire, sa 23e et dernière en F1.
Plusieurs rumeurs ont circulé à propos de cette fameuse panne. L’une affirme que Mansell aurait oublié de rétrograder à l’approche du virage parce qu’il saluait la foule de la main. Une autre rumeur suggère que Mansell, en saluant ses supporters, aurait accidentellement éteint le moteur Renault.
De retour dans les puits, le Britannique a déclaré que la boîte vitesses s’était mise au neutre alors qu’il rétrogradait de la cinquième à la quatrième vitesse et que le moteur s’était soudainement éteint.
En fait, il semble maintenant acquis que Mansell, distrait pour une raison inconnue, n’a pas maintenu le régime du moteur assez haut. Cela a eu deux conséquences. Premièrement, la pression du circuit hydraulique, qui actionne la transmission semi-automatique, a chuté, car elle dépend directement du régime moteur. Ainsi, le barillet qui déplace les fourchettes des pignons ne s’est pas déplacé suffisamment pour sélectionner le quatrième rapport, d’où le point mort mentionné par Mansell.
Deuxièmement, puisque le régime moteur a chuté trop bas, l'alternateur ne pouvait pas produire assez de courant pour maintenir la tension de base du système de gestion électronique, d’où l’extinction du V10...
Après la course, la Williams No. 5 de Mansell fut ramenée dans les puits. Un coup de démarreur et le moteur Renault s’est mis en marche et les rapports de boîte pouvaient être enclenchés. La panne s’était donc produite dans le cerveau de Mansell...