La compagnie britannique Race Cars Direct a mis en vente une March Leyton House 881 de Formule 1 de la saison 1988. Il s’agit de la première monoplace de Grand Prix réalisée par Adrian Newey. Cette voiture a marqué une importante une évolution aérodynamique en F1.
Jeune ingénieur en début de carrière, Adrian Newey avait été engagé par Robin Herd de March pour travailler sur des protos d’endurance en plus de s’occuper de la voiture IndyCar de Mario Andretti chez Newman-Haas. À part quelques mois passés chez Fittipaldi Automotive, Newey n’avait pourtant que très peu d’expérience de la F1 quand Herd lui a confié la conception de cette Leyton House.
En 1987, à 28 ans seulement, il se voit confier le design, de A à Z, d’une monoplace de F1... Newey passe l’année à effectuer des vols transatlantiques. Durant la semaine, il dessine Leyton House 881 en Angleterre puis s’envole pour les États-Unis pour s’occuper de la voiture d’Andretti durant les week-ends.
Pour la saison 1988 de F1, la FIA a permis le retour des moteurs atmosphériques de 3,5 litres. Face aux moteurs turbo hyper puissants, le Judd CV V8 de 580 chevaux de la 881 ne fait pas le poids. Newey doit créer une voiture fine possédant une bonne vitesse maximale avec un bon appui aérodynamique tout en disposant d’un aileron arrière assez peu volumineux.
Newey conçoit la voiture autour de la morphologie d’un de ses pilotes, Ivan Capelli, qui possède un gabarit poids-plume. L’ingénieur fait fabriquer une maquette du cockpit en bois et assoit Capelli dedans. Il lui fait rapprocher ses pieds et plier les genoux vers lui jusqu’à ce que cela devienne inconfortable. Newey fige cette position et dessine la coque autour du corps de Capelli.
Cette monocoque possède une forme en V, étroite du bas et large du haut, copiant la forme du moteur Judd. L’avant du châssis est extrêmement étriqué. Les talons les pilotes se touchent et les semelles de leurs bottines couvrent les trois pédales. Aucun mouvement n’est possible et les deux pilotes, Capelli et le Brésilien Mauricio Guglemin, ont souvent souffert de douloureuses crampes aux chevilles durant les courses.
Newey surélève aussi l’avant du châssis et dessine un aileron avant d’un seul morceau au lieu de deux moustaches. Ainsi, le profil inférieur de l’aileron est ininterrompu.
« Toute la partie avant de la voiture a été traitée comme une seule entité aérodynamique. Cela permettait de faire engouffrer une énorme quantité d’air sous la voiture et créait un appui aérodynamique puissant » raconte Adrian Newey au sujet de cette 881 dans son excellent livre “How to Build a Car”.
Les amortisseurs et les ressorts sont compactés dans un endroit très réduit à l’avant de la coque. Pour la première fois en F1, les dérives d’aileron avant sont sculptées et non pas rectilignes. L’ouverture du cockpit est aussi petite que le permet de règlement. Bref, le châssis est tellement moulant que les pilotes sont véritablement coincés à l’intérieur, incapables de bouger. Il est tellement étroit que Newey a dû percer le châssis afin d’y fixer une protubérance qui permet aux pilotes de pousser le levier de vitesses vers l’extérieur sans écraser leurs jointures.
À l’arrière, Newey désire dessiner un capot moteur étroit, mais la présence des trompettes d’admission du V8 l’en empêche. Il fait donc fabriquer des nouvelles trompettes non pas rondes, mais ovales, donc étroites, ce qui résous son problème.
Cette 881 a généralement été efficace sur les circuits très lisses. Sur les tracés bosselés, elle perdait de sa performance aérodynamique, car la garde au sol variait constamment.
La March Leyton House a terminé la saison 1988 au sixième rang sur 18 au classement des constructeurs. Capelli a inscrit une troisième place à Spa en Belgique et a pris la sixième place au championnat des conducteurs et deuxième au championnat des pilotes disposant de voitures à moteurs atmosphériques.
Il est intéressant de noter que certains grands principes aérodynamiques implantés par Newey dans cette 881 se sont retrouvés plus tard sur la Williams FW14B que Nigel Mansell a mené au titre mondial en 1992, et les FW18 et 19 que Damon Hill et Jacques Villeneuve ont aussi mené à la consécration en 1996 et 1997.