Dans moins trois semaines, les nouvelles voitures de Formule 1 vont rouler pour la première fois durant les essais de pré-saison qui seront organisés sur le circuit de Catalunya de Barcelone en Espagne.
À quoi servent ces essais ? Que testent les écuries ? Pourquoi les voitures roulent-elles autant ?
Nous en avons discuté avec le Britannique Greg Baker qui a œuvré pendant plus de 25 ans en F1 au sein des écuries Arrows, Lotus et Renault à titre de mécano et de mécanicien en chef. Baker vit maintenant à Montréal avec sa conjointe et ses enfants et travaille chez Felino ; la voiture haute performance créée par l’ancien coureur automobile Antoine Bessette.
Baker a évidemment souvent vécu les essais hivernaux des écuries de F1. Il précise que ces essais, amputés de deux jours cette année, sont minutieusement planifiés à l’avance et chaque tour de piste doit servir un but précis. Toutefois, un bolide de F1 tout neuf fonctionne rarement parfaitement et il faut constamment être prêt à résoudre les problèmes.
L’objectif recherché par ces essais est de faire parcourir le plus de kilomètres à la nouvelle voiture, de valider ses performances, de valider son rendement avec des différentes gommes de pneus et de tester le plus grand nombre de pièces, même si elles sont destinées à une course future.
« Lors d’une bonne journée d’essais, la voiture parcourt une centaine de tours de piste. Ça, c’est quand tout va bien et qu’on ne fait pas face à trop de pépins » explique Baker.
Il y a beaucoup de travail à effectuer sur la voiture, de jour comme de nuit. « Les écuries disposent de deux équipes de personnel, car le travail doit être effectué 24 heures par jour » poursuit-il. « L’équipe de jour est présente au circuit à partir de huit heures le matin jusqu’à une heure dans la nuit. Puis, l’équipe de nuit prend le relai jusqu’au petit matin. À la fin de chaque journée, il faut inspecter toutes les pièces de la voiture et diagnostiquer le plus grand nombre de problèmes techniques pour être prêt à rouler le matin suivant. »
Les écuries font donc travailler les mécaniciens de course ainsi que d’autres qui sont habituellement basés à l’usine. « Lors de ma dernière saison en F1, nous avions quatre mécanos par voiture durant le jour et cinq la nuit. Nous avions aussi des ingénieurs, un expert des circuits hydrauliques, un autre pour les transmissions, quatre experts en matériaux composites, un spécialiste en aérodynamique qui s’occupe d’installer les treillis de capteurs, deux équipes pour préparer les pneus ainsi que le personnel de cantine » explique Baker.
« Durant ces essais, les nouvelles monoplaces ne roulent pas dans leur configuration finale. Les pièces non-essentielles au bon fonctionnement de la voiture ne sont pas testées. Grâce au prototypage rapide réalisé à l’usine, des nouvelles composantes sont livrées tous les jours pour être testées. Ça n’arrête jamais. Certains mécanos voyagent régulièrement en apportant des pièces à tester dans leurs bagages. »
La première journée de la première semaine d’essai sert essentiellement à vérifier le bon fonctionnement de la voiture. « La monoplace roule peu et il y a de longs moments d’attente entre ses présences en piste » précise notre interlocuteur. « Après les premiers tours de piste, il faut démonter plusieurs composantes de la voiture. Un spécialiste de tests non destructifs (Non Destructive Testing) examine les pièces critiques à l’aide de sondes et d’ultrasons afin de s’assurer qu’il n’y a aucune fissure ou de dégradation des matériaux, de la fibre de carbone ou des joints. Cela nécessite pas mal de temps et on joue toujours de sécurité. »
Il poursuit : « Certaines pièces critiques, comme les triangles de suspension arrière ou le caisson de la boîte de vitesses, seront recouverts d’une pellicule thermique et de capteurs de températures. Une fois qu’on sait que les gaz d’échappement ne sont pas trop intenses, on retire progressivement l’isolant et les protections. »
Par la suite, l’équipe entre dans un programme de validation des différentes composantes. Par exemple, on procède à des tests de cartographie aérodynamique. On demande au pilote de rouler à une vitesse constante en ligne droite, et les ingénieurs comparent les données aérodynamiques obtenues sur la voiture à celles enregistrées en soufflerie. Si les données ne sont pas très semblables, c’est qu’un problème existe. On fait aussi rouler la voiture avec des treillis de capteurs aérodynamiques pour vérifier le bon écoulement de l’air. Ceci peut aussi être constaté par la vaporisation de peinture de visualisation des flux. Puis, l’équipe commence à travailler sur le comportement des différents types de pneus avant de procéder à des simulations de course où toutes les procédures sont respectées, incluant la formation de la grille de départ et le tour de formation.
« Une fois la première semaine d’essais terminée, on démonte complètement la voiture et toutes les pièces sont analysées. En cas de problème, on documente le tout avec des photos et des vidéos et le dossier est envoyé à l’usine pour vite résoudre le souci ou améliorer la pièce en question. Chaque heure gagnée est cruciale » explique Baker.
Dernier point : peut-on vraiment se fier sur les chronos réalisés par les voitures durant ces essais hivernaux ? « Eh bien, pas vraiment. Les équipes ne sont pas très intéressées à réaliser un véritable temps de qualification afin de ne pas dévoiler leurs cartes. Elles préfèrent effectuer des simulations sur ordinateur et des prédictions à partir des données obtenues en piste. »
Dates des essais de pré-saison F1 2020
19-20-21 février : Circuit de Catalunya, Barcelone, Espagne
26-27-28 février : Circuit de Catalunya, Barcelone, Espagne