Le Grand Prix de Formule 1 du Brésil de 1974, organisé un 27 janvier, a été marqué par une série d’imprévus et d’incidents qui n’ont jamais déconcentré Emerson Fittipaldi, imperturbable vers sa première victoire avec l’écurie McLaren.
Deux années auparavant, Emerson Fittipaldi était devenu, à 25 ans, le plus jeune Champion du monde de F1 avec l’écurie Lotus. Par contre, lors du Grand Prix d’Italie de 1973, "Fitti" se sentit trahi par le Team Lotus et Colin Chapman. À cette occasion, Fittipaldi pouvait conserver ses chances de répéter son titre mondial si son coéquipier, Ronnie Peterson, alors meneur de la course, le laissait passer et filer vers la victoire. L’écurie Lotus ne donna jamais cet ordre à Peterson, et le Brésilien termina la course en seconde place. Et évidemment, il ne remporta pas le titre.
Fittipaldi, très en colère contre l’équipe, décide alors de quitter Lotus en fin de saison pour joindre les rangs de McLaren qui lui offre le volant d’une redoutable M23-Ford, trois fois victorieuse en 1973.
“Emmo” est chouchouté par les dirigeants de McLaren. Teddy Mayer, Gordon Coppock et Alastair Caldwell le traitent aux petits oignons comme jamais Colin Chapman et Peter Warr ne l’ont fait chez Lotus.
Après un premier Grand Prix disputé en Argentine où sa course fut ruinée par un fil de bougie débranché, Fittipaldi et le cirque de la F1 arrivent au Brésil fin janvier pour la seconde manche de la saison organisée sur le circuit de 7,960 km d’Interlagos à Sao Paolo.
L’événement débute mal pour certaines écuries qui ont bien du mal à faire dédouaner leur matériel à l’aéroport. Certains fonctionnaires brésiliens semblent prendre un malin plaisir à ralentir les procédures... L’écurie Shadow, qui a fait venir d’urgence un châssis de remplacement de Grande-Bretagne, en fait les frais. Le châssis neuf demeure sur le tarmac de l’aéroport durant trois jours avant que les papiers soient finalement signés.
Autre souci : la météo est terriblement incertaine, car la date retenue pour l’événement tombe en plein pendant la saison des pluies.
Pour la joie de tout un peuple, Fittipaldi décroche la pole position devant Carlos Reutemann (Brabham-Ford), Niki Lauda (Ferrari) et Ronnie Peterson (Lotus-Ford).
Le dimanche de la course, les tribunes sont prises d’assaut par quelque 130 000 fans de Fittipaldi. Le pays était dirigé par une dictature militaire à cette époque, et de nombreux soldats, bien armés, arpentent les gradins, le paddock et même la ligne des puits.
Il fait terriblement chaud et humide, et les spectateurs, surexcités et impatients, commencent à lancer des projectiles sur la piste, incluant des bouteilles en verre ! Malgré les appels au calme, la situation devient incontrôlable et la direction de course décide de retarder le départ de 45 minutes afin de nettoyer le circuit.
L’asphalte de la piste a aussi commencé à se détériorer. Certains vibreurs partent en morceaux et la boue, conséquence des nombreuses averses survenues au cours du week-end, ruissèle maintenant à différents endroits du circuit.
Le départ est finalement donné sous un ciel terriblement menaçant. Reutemann effectue un bon démarrage et négocie le premier virage en tête, mais Peterson le double rapidement, pourchassé par Fittipaldi. Au 16e tour, Fittipaldi passe devant Peterson, et quelques tours plus tard, le Suédois est victime d’une cervaison lente et doit s’arrêter aux puits.
Au 30e tour, Fittipaldi occupe la tête avec presque dix secondes d’avance sur Clay Regazzoni sur Ferrari. Les Brésiliens sont fous de joie. C’est à ce moment que les vannes du ciel s’ouvrent... Une pluie torrentielle s’abat soudainement sur le circuit qui ne parvient pas à évacuer ces trombes d’eau.
Les voitures, chaussées de pneus slicks, deviennent soudainement inconduisibles. Certains concurrents, qui roulent pourtant à très faible vitesse, effectuent des tête-à-queue tandis que les autres tentent désespérément de se rendre aux puits, mais le circuit est très long et tous les virages sont inondés.
Au 33e passage, le drapeau rouge est finalement montré et la course est arrêtée. Les officiels sont informés que faire monter des pneus pluie ne servirait à rien, car il y a tellement d’eau sur la piste qu’ils seraient totalement inefficaces. La direction de course décide donc d’agiter le drapeau à damier et d’établir le classement au tour précédent la sortie du drapeau rouge, soit au 32e tour.
Fittipaldi récolte donc la victoire, sa première chez McLaren et sa seconde successive au Grand Prix du Brésil. Regazzoni est classé deuxième, sur le même tour que le vainqueur. Jacky Ickx, sur Lotus, termine troisième à un tour et complète le podium. Jusqu’en soirée, des milliers de spectateurs déchainés célèbrent bruyamment la victoire de leur roi, Emerson Fittipaldi.