La 312 T4 ne fut certainement pas la plus belle de toutes les voitures de Formule 1 Ferrari. Par contre, elle a mené Jody Scheckter au titre mondial en 1979 et Gilles Villeneuve, son coéquipier, à la deuxième place du championnat. De plus, cette T4 permit à Ferrari d’être sacré Champion du monde des constructeurs devant les équipes Williams, Ligier et Lotus.
Montrée au grand public le 15 janvier 1979, la 312 T4 fut utilisée pour la première fois en course à l’occasion du Grand Prix d’Afrique du Sud le 3 mars ; épreuve remportée par Gilles Villeneuve. Avant cette victoire, Ferrari avait fait rouler une paire de T3 modifiées.
Le concepteur en chef, Mauro Forghieri, surnommé “Furia” à cause de son tempérament... explosif, aurait bien voulu exploiter l’effet de sol comme l’avait fait Colin Chapman avec sa Lotus 79. Cependant, Forghieri ne pouvait pas concevoir des pontons latéraux extra larges (afin de générer un puissant effet de succion sous la voiture) à cause de la présence du moteur V12 à plat. Ce moteur, trop large, empêchait de faire remonter de façon idéale l’intérieur des pontons en forme d’aile d’avion inversée.
Forghieri a donc dessiné un châssis aussi étroit qu’il était possible de faire et a élargi les tunnel venturi des pontons autant qu’il le pouvait. L’effet de sol ainsi généré n’était peut-être pas aussi puissant que sur d’autres voitures, mais il existait, amélioré par la présence de jupes coulissantes. De plus, la boîte de vitesses transversale (d’où le ‘T’ de T4) était plus large qu’une Hewland FGA400 longitudinale traditionnelle des écuries britanniques, ce qui lui compliquait encore plus les choses.
La suspension avant fut redessinée et rendue plus compacte afin de réduire la traînée aérodynamique et les freins arrière furent accolés à la transmission (et non pas dans les roues) afin de réduire la masse non-suspendue et améliorer l’adhérence. La carrosserie comportait peu de prises d’air NACA et enfermait des cloisons complexes destinées à diriger certains flux d’air vers les radiateurs et les trompettes d’admission du moteur.
Cette voiture aux formes un peu bizarres avait incité le magazine italien Rombo à publier une caricature laissant croire que Forghieri s’était inspiré d’un chaudron pour dessiner la T4... On notera que la carrosserie vue lors du dévoilement (qu’on voit sur la photo du haut) n’est pas celle qui fut utilisée lors des premières courses de la T4.
Le moteur, de type 015, était désormais plus souple, disposait d’une plage de puissance élargie, surtout à bas régimes. Il s’agissait d’un V12 ouvert à 180 degrés (et non pas d’un véritable boxer) d’une cylindrée de 2991,8 cc pour un taux de compression de 11,5:1, et produisant 515 chevaux à 12 300 tours/minute.
Cette Ferrari 312T4 a remporté six victoires en 1979, divisées également entre Jody Scheckter et Gilles Villeneuve. La T4 était fiable, rapide, facile à régler, mais perdait un peu de son efficacité sur les circuits bosselés. La T4 n’a abandonné qu’une seule fois sur bris mécanique (une rupture de différentiel à Monaco pour Villeneuve). Le Québécois a abandonné à deux autres reprises à cause de crevaisons, mais il s’est quand même classé second au Championnat du monde, derrière Scheckter.
La Ferrari T4 a aussi pleinement profité de ses pneus radiaux Michelin, souvent supérieurs aux pneus à carcasse diagonale de Goodyear. Il faut toutefois avouer que la T4 a quand même profité des ennuis de ses rivales. La Ligier JS11, victorieuse en début de saison, a soudainement perdu de son efficacité, puis la Renault RS10 turbo, certes rapide, n’était pas des plus fiable tandis que la Williams FW07, ultra rapide, n’a commencé à gagner qu’à partir de la mi-saison.
Pendant ce temps, Scheckter et Villeneuve, amis et complices, amassaient les victoires et les places sur le podium, en route vers ce doublé si cher dans nos cœurs.