Il y a sans doute de fortes chances que vous ne connaissiez pas Jean Rondeau. Pourtant, ce Manceau a marqué l’Histoire du sport automobile international en devenant le premier constructeur-artisan indépendant à remporter la victoire aux 24 Heures du Mans.

Rondeau, c’est l’histoire une peu folle d’un créateur de génie qui a eu l’idée d’affronter Porsche dans la course d’endurance la plus difficile et la plus médiatisée au monde.

En réalité, un tel affrontement pour Rondeau, c’était comme d’aller à la guerre avec un tire-pois. Comment un petit groupe de passionnés, compétents certes, mais sans budget raisonnable allait-il batailler et tenter de vaincre le géant Porsche, ses fabuleux bolides, son bureau d’études, ses ingénieurs, son centre d’essais et ses budgets faramineux ?

Jean Rondeau nait en 1946 et tout petit, il dessine déjà des voitures de course dans ses cahiers d’école. Après avoir appris à piloter, il s’impose dans des courses de côte et en circuit routier.

En 1974, il devient pilote British-Leyland, mais il a de grandes idées. Il décide de concevoir et de fabriquer son propre châssis, car son but ultime est de gagner les 24 Heures du Mans avec une voiture de sa propre conception. Il dirige un petit groupe de passionnés, appelé ATAC, et trouve un commanditaire, le fabricant de papier peint Inaltéra.

Au Mans en 1977, il inscrit trois Inaltéra LM77-Ford Cosworth qui marchent bien, et la No. 88 termine au pied du podium, et première en classe GTP. C’est un très bon début.

Par contre, quelques mois plus tard, c’est la catastrophe. La société Inaltéra change de main et décide de ne plus commanditer Rondeau. Ce dernier retrousse ses manches, grappille un peu d’argent ici et là et avec son groupe de bénévoles, il construit et pilote, avec Bernard Darniche et Jacky Haran, la Rondeau M378 à moteur Cosworth qui termine les 24 Heures du Mans au neuvième rang et première en classe GTP. Un exploit ! Un an plus tard, la M379-Cosworth de Jean Ragnotti et Darniche se classe au cinquième rang.

Pour l’épreuve de 1980, Rondeau prépare trois M379 pour le Mans : la No. 16 pour lui-même et Jean-Pierre Jaussaud, la No. 17 belge pour les frères Martin et Gordon Spice, et la No. 15 pour Henri Pescarolo et Jean Ragnotti. Pour une fois, Rondeau réussit à décrocher deux commanditaires majeurs pour l'appuyer : l’entreprise informatique ITT et le magazine Le Point.

Rondeau sait qu’il détient un atout dans son jeu : la fiabilité exemplaire de ses voitures, car si les Porsche 908 et 935 sont très rapides, elles sont toutefois sujettes à des bris mécaniques.

Le début de l’épreuve de juin 1980 est marqué par une pluie terrible, mais qui cesse peu de temps après. La Porsche 908 de Jacky Ickx s’empare de la tête, pourchassé par Jean Rondeau. Toutefois, la courroie de la pompe à injection de la Porsche casse, ce qui force Ickx à stopper et perdre la tête de l’épreuve. Malgré cet incident et après réparation, la 908 revient en force et reprend la première place à la Rondeau. Le bolide allemand subit toutefois un autre casse mécanique : cette fois, c’est la boîte de vitesses qui lâche. La Rondeau reprend la tête pendant que la Porsche est réparée.

Avec 90 minutes à faire, Rondeau cède sa place à Jaussaud et la pluie recommence. Avec 45 minutes à rouler, c’est le déluge, mais Jaussaud décide de rester en slicks tandis qu’Ickx décide de passer en pneus pluie. Le Belge est à l’attaque et reprend deux tours à la Rondeau ! Jaussaud effectue même un tête-à-queue et cale moteur. Il doit s’y prendre à trois reprises pour redonner vie au Cosworth. La pluie cesse, et Jaussaud assure la victoire de la Rondeau qui gagne la course après avoir complété 338 tours de piste, soit deux de plus que la 908 d’Ickx et Reinhold Joest. La Rondeau a parcouru 4608,020 km à la vitesse moyenne de 191,899 km/h. C’est la joie au Mans : un pur Manceau a gagné le Mans avec sa propre voiture !

Durant les années qui ont suivi, Jean Rondeau roulera aussi plusieurs fois aux 24 Heures du Mans sur d'autres autos que les siennes, et ses ateliers produiront aussi une monoplace de Formule Ford.

Jean Rondeau perd la vie de façon stupide le vendredi 27 décembre 1985 quand, à un passage à niveau, sa Porsche est percutée par le train express Paris-Rennes. Adieu à un artisan de génie.