Pilote talentueux doté d’un caractère énigmatique, Stéphane Proulx est mort en novembre 1993 de complications liées à son grave accident survenu en Formule Atlantique sur l’ovale de Phoenix quelques mois auparavant. Né le 12 décembre 1965, il n’avait que 27 ans.
Proulx avait tout pour réussir en sport automobile. Très talentueux, il a toutefois parfois été victime de son caractère émotif et impulsif en piste. Très secret, il ne parlait pratiquement jamais de sa vie personnelle.
Stéphane est né dans un environnement de sports mécaniques. Sa mère Monique, qui a couru en Formule Atlantique et en série Trans-Am, n’avait que 19 ans à la naissance de son fils. Mère très protectrice, elle s’est occupée de Stéphane qui était un enfant réservé et timide. Devenu adolescent, il aurait pu glisser dans la délinquance, mais sa mère veillait, heureusement.
Stéphane s’intéresse lui aussi au sport auto et s’en va vivre en Californie, au circuit de Riverside, là où est basée l’école de pilotage Jim Russell où travaille un certain Richard Spénard. Sans un sou, Proulx entretient les monoplaces de l’école en échange de tours de piste et de courses gratuites. Sans un sou, il vit en bohémien dans sa vieille voiture garée dans le paddock du circuit. Spénard remarque toutefois son grand talent.
Proulx revient ensuite vivre avec sa mère à St-Adèle et devient vendeur d’aspirateur pour subvenir à ses besoins. Spénard est lui aussi revenu vivre au pays et ouvre, avec l’aide de Raymond David, l’école de pilotage Spénard-David au circuit de Shannonville. Spénard est convaincu que Proulx possède un immense talent et lui suggère (fortement) de s’inscrire à son école. Ce qu’il fait.
Proulx est couronné meilleur élève, puis remporte le titre de champion de la série de Formule 2000 de l’école. Ce titre lui vaut un volant payé par Rothmans dans le Championnat canadien de F2000 de 1987, qu’il remporte avec six victoires en neuf épreuves. La saison suivante, il devient le coéquipier de Spénard en Coupe Rothmans Porsche 944. Proulx se classe au troisième rang au championnat, derrière Scott Goodyear et son mentor. Proulx était encore un peu ingérable. Pour preuve, au retour d’une course de F2000 disputée à Shannonville, il m’avait doublé en wheelie à plus de 200 km/h sur sa moto sport !
Raymond David et Spénard approchent les dirigeants d’Imperial Tobacco avec l’idée de faire courir un espoir en Formule 3000 européenne dans le but ultime de le faire monter en F1. Proulx est choisi et file vivre en Europe. Proulx, qui manquait de maturité et avait tendance à faire des bêtises, aurait grandement bénéficié de la présence d’un chaperon à ses côtés.
En 1989, Proulx pilote une Lola de F3000 aux couleurs de Player’s engagée par l’écurie GA Motorsport de Mike Collier. Il pouvait être incroyablement rapide et pouvait réaliser de bonnes qualifications, mais il sortait souvent de piste. L’équipe s’interrogeait d’ailleurs sur sa forme physique.
L’année suivante, il est récupéré par Keith Wiggins de Pacific Racing. Wiggins avait besoin d’argent et il avait repéré les dollars de Player’s. Encore une fois, la saison de Proulx est entachée de sorties de piste. « Wiggins encaisse les chèques de Player’s, mais ma voiture est assemblée avec de vieilles pièces » m’avait confié Proulx. « J’ai des disques de freins craqués, des triangles de suspension redressés et des moteurs en fin de vie. »
Écœuré, Proulx revient courir en Amérique du Nord, mais il ne sent pas en grande forme physique et après des examens médicaux, il sait qu’il est gravement malade. Il s’associe avec Mauro Lanaro qui le fait courir en F2000 canadienne. Il gagne deux courses et se classe troisième au championnat. Simultanément, Proulx pilote une Swift aussi engagée par Lanaro dans le Championnat canadien de Formule Atlantique, titre qu’il remporte facilement.
En 1992, Proulx retourne en Europe où il est inscrit en Championnat de France de F3 à bord d’une Dallara de l’écurie Formula Project Racing. Proulx devait apporter une somme d’argent pour courir, ce qu’il a été incapable de faire. L’équipe a alors douté de ses capacités et a profité d’une faille dans son contrat pour le licencier après cinq courses.
L’édition présentement en kiosque du magazine Pole-Position revient justement sur le podium réalisé en F3 par Proulx en 1992 sur le circuit de Magny-Cours.
Proulx, de plus en plus affaibli, parvient néanmoins à trouver un peu de financement pour courir en Formule Atlantique avec Lanaro en 1993. Il arrive presqu’en retard pour participer à sa première course sur l’ovale de Phoenix. Selon Lanaro, il était épuisé, nerveux, et pas prêt mentalement. Lors des essais, une roue perdue par une autre voiture accidentée le frappe violemment à la tête. Il perd conscience, est transporté à l’hôpital, mais il est bizarrement autorisé à prendre l’avion pour rentrer chez lui. Quelques jours après, son état se détériore considérablement.
En juin, à l’occasion du Grand Prix du Canada, il trompe la vigilance de sa mère Monique, prend sa voiture et file à Montréal. Il parvient même à se rendre jusqu’au pied des escaliers du Paddock Club du circuit Gilles-Villeneuve où je l’aperçois. En fait, je ne le reconnais pas - c’est sa voix que je reconnais. Il me parle comme s’il était complètement saoul. Ses propos sont à peu près cohérents, mais physiquement, il est complètement abattu.
Le pauvre Stéphane décède le 21 novembre dans la maison de sa mère à Sainte-Adèle des suites d’un œdème cérébral et d'une maladie liée au VIH.