Le Grand Prix de Formule 1 du Japon de 1976 a été marqué par des conditions météorologiques exécrables, l’abandon inattendu de Niki Lauda en début de course et le sacre de James Hunt, décroché dans des conditions chaotiques.
L’épreuve japonaise, organisée sur le circuit de Fuji situé au pied du célèbre mont du même nom, termine la saison 1976. En dépit de son terrible accident survenu sur le circuit du Nürburgring qui lui a fait rater deux courses, Niki Lauda, sur Ferrari 312 T2, mène au classement avec 68 points. Le seul qui peut le battre au championnat est James Hunt (McLaren M23) qui n’accuse que trois points de retard.
Mario Andretti installe sa Lotus 77 en pôle position avec un temps de 1’12”77. Il devance Hunt (1’12”80) et Lauda (1’13”08). Le dimanche 24 octobre, une pluie torrentielle s’abat sur la région et un épais brouillard réduit encore plus la visibilité. Pilotes, directeurs d’équipes, organisateurs et Bernie Ecclestone discutent ferme de la situation et après plus de deux heures de palabres, il est décidé de donner le départ de la course.
« Il était à peu près quatre heures de l’après-midi et il commençait à faire sombre. La pluie torrentielle avait cessé, mais il pleuvait encore » raconte l’ancien directeur sportif de l’écurie McLaren à cette époque, Alastair Caldwell, dans un podcast du Royal Automobile Club.
Le départ est finalement donné et à la fin du deuxième tour, Lauda, qui a chuté au 21e rang, rentre à son stand et quitte sa voiture. Il juge les conditions trop dangereuses pour risquer sa vie en piste. À cet instant, Hunt, informé de l’abandon de l’Autrichien, sait qu’il doit terminer dans les quatre premiers pour être sacré Champion.
« Durant la course, James n’a jamais obéi aux indications que nous lui donnions par les panneaux. Dès le deuxième tour, nous lui avons montré un panneau “Cool tyres”, lui intimant de rouler dans les flaques d’eau pour refroidir ses pneus pluie, mais il ne l’a jamais fait ! Jochen Mass [son coéquipier], le faisait parfaitement, mais James, non ! » poursuit Caldwell.
Hunt mène la course jusqu’au 61e tour, puis sachant qu’il n’a absolument pas besoin de gagner, il se laisse chuter jusqu’au troisième rang. « Nous savions fort bien que James usait beaucoup trop ses pneus pluie, mais sans radio nous n’avions aucune idée du moment où il allait stopper pour les faire changer » précise l’homme de McLaren.
Avec seulement cinq tours à faire, la McLaren de Hunt s’engouffre soudainement dans les puits. « Deux pneus étaient à plat. La voiture était si basse que nous ne pouvions pas glisser le cric sous l’avant. À cette époque, nous n’avions droit qu’à avoir cinq mécanos et un coordinateur dans les puits pour travailler sur une voiture. On a donc perdu beaucoup de temps à soulever la voiture à la main. On a installé un train de pneus pluie neufs et James est retourné en piste [après une trentaine de secondes d’immobilisation] » poursuit Caldwell.
Hunt avait donc perdu plusieurs places. Avec l’énergie du désespoir, il double Alan Jones (sur une Surtees), puis Clay Regazzoni (le coéquipier de Lauda chez Ferrari) pour remonter en troisième place. « Ferrari avait fait l’erreur de signifier à Regazzoni qu’il ne serait pas de retour dans l’équipe l’an prochain. Alors, quand il a vu la McLaren de Hunt dans ses rétroviseurs, il ne l’a pas bloqué [pour aider Lauda dans la course au titre]. Au contraire, il lui a fait signe de passer ! » ajoute Caldwell.
« Lors du dernier tour de piste, nous lui avons passé le panneau “P1”, lui indiquant qu’il était le Champion du monde. Mais James ne l’a jamais vu ! » affirme Caldwell.
On sait que Hunt, au sang chaud et d’une humeur colérique, a rejoint le stand McLaren en furie. Croyant avoir raté le titre, il a commencé à engueuler Teddy Mayer [le directeur de l’écurie]. Ce dernier, conservant son calme, lui a montré trois doigts et a fini par lui faire comprendre qu’il avait terminé la course en troisième position et qu’il avait réussi à être sacré Champion du monde.
Avec un total de 69 points, Hunt venait de battre Lauda par un tout petit point dans la course au titre.