C'est ce dimanche qu'aura lieu l'édition 2019 des célèbres 500 milles d'Indianapolis. Une fois encore, c'est un pilote du Team Penske qui va s'élancer en pole position, mais cette fois, c'est le Français Simon Pagenaud qui a réalisé l'exploit. Seul Canadian inscrit, James Hinchcliffe partira de la 32ème place, sur 33 qualifiés, tandis que le double champion du monde de Formule 1 Fernando Alonso a réalisé le... 34ème chrono et se retrouve donc exclu du départ ! C'est l'un des plus retentissants échecs de ces dernières années dans le monde du sport automobile. Mais comment en est-on arrivé là ?
Il y a deux ans, il s’était pourtant imposé aux avant-postes dès sa toute première participation, se qualifiant 5ème après avoir accédé sans souci à la séance des 9 rapides (Fast Nine) et flirtant avec la victoire en course. Il avait en effet mené avant de voir le moteur de sa Dallara-Honda de l'équipe Andretti Autosport rendre l'âme en vue de l'arrivée. Il avait été classé 24ème. Cette année, l’équipe McLaren a décidé que son aventure aux 500 milles d’Indianapolis ne passerait pas par un volant loué au sein d'une équipe bien établie en IndyCar, mais que ce serait sa propre initiative, demandant seulement l’aide de Carlin, une autre écurie anglaise... Erreur numéro 1.
En 2017, Fernando Alonso pilotait pour Andretti Autosport, une écurie qui a remporté les 500 milles d’Indianapolis à 5 reprises. Takuma Sato était d’ailleurs le coéquipier de Fernando lorsqu'il avait gagné en 2017. Cette fois, McLaren a décidé de s'engager directement. Le programme d'essais a alors débuté en avril dernier, au Texas Motor Speedway. Fernando Alonso y était, ainsi que son équipe, mais... le volant n’y était pas ! En effet, Zak Brown, le président de McLaren, avait lui-même commandé le volant et celui-ci n'était pas arrivé à temps. Ça commençait mal ! « Nous ne sommes pas allés en piste jusqu’à la mi-journée » avait alors expliqué Brown. « Le volant n’était pas prêt, c’est un manque de préparation et d’organisation » avait-il ajouté. C’est de là que le problème venait en effet, et ça ne semble jamais s'être vraiment amélioré ensuite : de l’organisation. Zak Brown devait-il s’occuper de trouver un volant ?... Erreur numéro 2.
L'équipe Carlin, que McLaren a engagé pour l'aider dans sa préparation technique, avait fourni à McLaren une voiture de rechange qui est arrivée orange, oui, mais pas le "orange papaye" officiel de McLaren. Après les essais d’avril, la voiture est donc retournée à l’atelier pour une nouvelle peinture. Toutefois, début mai, les essais préparatoires ont débuté sur l'ovale d'Indianapolis et la voiture de rechange n’était toujours pas revenue, un mois après que McLaren ait demandé la nouvelle peinture ! Fernando Alonso alla donc en piste avec sa voiture principale et, quelques jours plus tard, il lui est arrivé ce qui arrive un jour à tout pilote qui évolue sur l'ovale d'Indianapolis : le champion du monde de F1 a heurté le mur. Pilote indemne mais, la voiture de réserve n'étant pas disponible, deux journées d’essais ont alors été perdues ! Pendant que d'autres équipes, à l'image du Schmidt Peterson Motorsports avec le Torontois James Hinchcliffe, ne perdaient que quelques heures à préparer la voiture de réserve, Alonso se tournait les pouces !... Erreur numéro 3.
Après que Fernando Alonso ne se soit pas qualifié parmi les plus rapides, et qu’il devait prendre part aux qualifications de de la dernière chance (6 pilotes pour les 3 dernières places disponibles sur la 11ème et dernière ligne de départ), les responsables de l’équipe Carlin ont, juste avant la séance, décidé de nouveaux ajustements après avoir acheté des pièces (amortisseurs) d'une autre équipe dans les paddocks. Sans doute dans la précipitation, le personnel technique s'est trompé d'unité de mesure, ne convertissant pas les pouces en centimètres au moment d'ajuster la voiture ! Dimanche, Alonso est donc allé en piste pour tenter de se qualifier aux commandes d'une voiture mal balancée, faisant des flammèches dès son premier tour. À son ultime tentative peu après, il n’a pu compléter que 5 tours tandis que Kyle Kaiser, avec la petite équipe Juncos, le devançait in-extremis. La pluie a ensuite mis fin à la séance... Erreur finale.
« C’est clair qu’ils (Carlin) n’étaient pas capables de s’occuper de trois voitures comme il se doit » confie aujourd'hui Zak Brown. Max Chilton et Patricio O’Ward, pilotes de Carlin, ont été les deux autres pilotes à ne pas se qualifier pour l'Indy 500 » rappelle-t-il. En effet, ce sont ni plus ni moins que trois voitures préparées par Carlin qui se sont retrouvées éliminées… Un désastre pour l’équipe anglaise, inexpérimentée en IndyCar et qui avait jusqu'ici évoilué en F3 et F2 en Europe. Mais n'est-ce pas d'abord et avant tout l'erreur de McLaren que d'avoir coinfié la voiture d'un double champion du monde de F1 qui vise la victoire à une structure technique qui ne maîtrise pas (encore) les subtilités d'une telle épreuve ?
Pour l’instant, Zak Brown semble vouloir se pencher sur la question d’engager deux voitures à temps plein en IndyCar. Il souhaite toujours participer dans la série, mais n’est pas certain si les événements des derniers temps ne sont pas un boulet pour le futur. Il pense tout de même que McLaren sera de retour aux 500 milles d’Indianapolis l’an prochain.
Mais si c'est pour refuser d'admettre qu'il est quasi impossible de gagner avec une autre équipe que Penske, Gansssi ou Andretti, qui se sont partagées 17 des 19 victoires à l'Indy 500 depuis le début du siècle, cela frise l'inconscience.
Le premier geste de Brown après la débâcle de dimanche a été de renvoyer Bob Fernley, l’ancien patron de Force India qui avait été engagé pour gérer ce projet McLaren en IndyCar. Quelle sera la suite ?
Si les équipes européennes connaissent très bien le sport automobile, faire venir une équipe anglaise pour tenter de gagner à Indianapolis n'est pas chose aisée. Colin Chapman l'avait certes réussi avec Jim Clark, mais c'était en 1965 et en imporant des technologies nouvelles que les Américains ne maîtrisaient alors pas ! Les choses ont bien changé aujourd'hui.
Si Fernando Alonso espère toujours gagner un jour les 500 milles d'Indianapolis en tant que pilote McLaren, il devra s'assurer que les responsables de l'équipe délaissent des gestionnaires de projets anglais au profit d’Américains qui connaissent nettement mieux l'IndyCar… Si McLaren a l’argent pour faire rouler une voiture (qui ne roulera pas !) aux 500 milles d’Indianapolis, elle peut se permettre d’engager du personnel qui a l'expérience de la victoire... pas juste en F1 ou en F2 !