Pierre Loing était l’un des invités de Nissan Canada lors de la journée de presse du Salon de l’Auto de Montréal. Venu du Japon pour l’occasion, il a répondu à nos questions à propos de l’avenir et de la technologie automobile d’aujourd’hui et de demain. Celui qui est en charge de la division marketing produits pour les marques Nissan et Datsun (qui n’est pas présent en Amérique du Nord mais plutôt dans les pays émergeants) à travers le monde, doit veiller à ce que la promotion des produits soit assurée, au moment demandé par chaque pays ou région, et avec le bon contenu. « Ça a l’air tout bête dit comme ça mais ce sont des choses importantes à mettre en place » confie-t-il.
En termes d’évolutions majeures dans le monde automobile, allons-nous voir le ‘’tout électrique’’ s’imposer ou faut-il croire en l’hydrogène ?
L’électrification, qu’elle soit complète avec des véhicules mus par batteries, ou partielle avec des systèmes hybrides combinant batteries et moteur essence, est la direction principale. C’est clairement l’avenir en matière automobile. Ça ne veut pas dire que, du côté de Nissan, nous ne faisons que ça, mais c’est le concret. Si l’on parle d’hydrogène, nous avons des projets en ce sens mais à plus long terme car c’est une technique coûteuse à développer qui n’est pas encore assez avancée.
Pas assez avancée, notamment en matière de sécurité. Un volet que ceux qui se lancent dans la commercialisation de ce carburant n'occulteraient-ils pas un peu ?
Quand on a été enfant et qu’on a fait le test de synthèse de l’eau avec deux pipettes et que ça explose, on se pose effectivement des questions face à cette technologie comme carburant pour l’automobile. C’est un problème qui commence toutefois à être réglé mais avec des coûts très très élevés, qui sont davantage dans les chiffres qu’on retrouve dans le domaine aéronautique qu’automobile. Donc pour nous, je dirais que l’hydrogène c’est ‘’peut-être un jour’’ mais, à court terme, l’électrification est une solution beaucoup plus concrète. Ça se traduit notamment en Amérique du Nord par le lancement de modèles comme la Leaf + mais aussi un système qu’on appelle ePower qui est un système hybride pour les voitures de série, que Nissan vend déjà au Japon et arrive au Canada sur la Versa Note.
Techniquement, comment fonctionne ce système ?
La voiture n’est propulsée que par le moteur électrique mais elle est dotée d’un moteur conventionnel à essence utilisé comme générateur. L’avantage est que ce moteur conventionnel travaille dans une fenêtre bien déterminée et est insonorisé, ainsi on a l’impression de conduire une voiture entièrement électrique, avec le couple maximal dès le démarrage et la faible consommation, mais la focalisation est sur le plaisir de conduite.
Parlant de plaisir de conduite, les nouvelles monoplaces de Formule E semblent nettement plus intéressantes que les anciennes et la série voit davantage de manufacturiers s’y impliquer. Est-ce que la Formule E va devenir la seule implication de Nissan en sport automobile ?
Puisque l’on fait désormais la promotion de la mobilité intelligente de Nissan, s’impliquer en Formule E a beaucoup de sens. Nous sommes le premier constructeur japonais en FE et l’opportunité de travailler avec l’équipe eDAMS, qui a déjà gagné un titre dans la série, était aussi très intéressante. Toutefois, nous poursuivons aussi le programme avec les GT-R en Super GT japonais. C’est un championnat extrêmement compétitif, malheureusement limité au Japon. La Formule E et le Super GT sont nos deux principaux programmes. Après, il y a aussi les GT3 et les séries nationales, comme la Coupe Nissan Micra au Canada, mais ce sont des programmes qui ne sont pas pilotés depuis le siège social au Japon.
La Coupe Nissan Micra, lancée au Canada en 2015, montre qu’on peut faire du sport automobile avec de faibles coûts et aussi proposer des courses très disputées avec des voitures quasiment de série. Est-ce un concept que les dirigeants de Nissan au Japon voudraient voir exporté ?
Lorsque le concept de Coupe Nissan Micra a été proposé, Nissan Global a simplement dit ‘’pourquoi pas’’. 4 ans plus tard, on voit que ça marche très bien. Ceci dit, Micra n’est pas une voiture vendue dans tous les pays, donc on ne pourrait pas envisager des Coupe Nissan Micra partout dans le monde. Mais le concept nous plaît beaucoup.
Et si un pays, le Canada ou un autre, voulait créer une série de sport automobile avec des Leaf, ça serait également accepté ?
Nous sommes sensibles à toute activité qui vient montrer que les véhicules électriques sont amusants à conduire et qui peuvent être très performants. Nous l’avons d’ailleurs montré avec le concept de la Leaf Nismo RC. Si jamais le projet de créer une série de course avec des Leaf était proposé, l’entreprise regardait ça d’un œil a priori positif.
Donc on peut dire aujourd’hui que la Leaf a un avenir en sport automobile ?
Sur le principe oui. De la même manière que Micra n’était pas à l’origine une voiture destinée à faire de la course, la Leaf pourrait être amenée en course. Mais je tiens à préciser que ce n’est pas dans les plans à court terme, pas à ma connaissance en tout cas.
Le transfert de technologie entre le sport automobile et la voiture de tous les jours est-il encore aussi important qu’autrefois ? Ou, au contraire, tous les bouleversements nés de l’arrivée des voitures électriques, ont changé la donne ?
Le transfert entre technologie utilisée en sport automobile et les voitures de tous les jours se fait à plus ou moins grande vitesse. La Formule E notamment permet à nos ingénieurs d’en apprendre beaucoup en matière de gestion des batteries, de l’énergie, etc. Les technologies utilisées en course poussent à l’extrême des systèmes, ce qui permet d’apprendre. Donc oui, le transfert de technologie entre course et voiture de série a et aura toujours sa raison d’être, mais certaines technologies sont moins rapidement adaptables que d’autres à la série. L’aspect économique est aussi à prendre en compte. Même si ça se fait à l’intérieur de budgets définis, l’investissement en sport automobile ne sera jamais le même que pour une voiture de série où le coût de chaque pièce doit être évalué. Par contre, l’expérience que donne, par exemple, la Formule E en matière de gestion de la batterie est un progrès énorme. Il y a le développement chimique quant à la création des batteries elles-mêmes, et il y a la gestion des batteries, et là le sport automobile nous en apprend beaucoup.