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Fin (provisoire ?) de l'aventure Formule E à Montréal : Le ePrix 2018 annulé !

Fin (provisoire ?) de l'aventure Formule E à Montréal : Le ePrix 2018 annulé !

Lundi 18 décembre 2017 par Philippe Brasseur
Crédit photo: Sam Bagnall / FIA Formule E

Crédit photo: Sam Bagnall / FIA Formule E

Les obstacles liés à la présentation du second ePrix de Montréal en juillet prochain devenaient chaque jour un peu plus nombreux, à tel point qu'on pouvait se demander s'il existait encore une seule raison, autre que la pénalité pour fin prématurée du contrat de trois ans à verser aux dirigeants de la Formule E, pour que l'édition 2018 ait vraiment lieu... La réponse sera donnée aujourd'hui par la Ville de Montréal : Le ePrix 2018 n'aura pas lieu, c'est la fin de l'aventure Formule E à Montréal !

Avant cette annonce, on estimait encore à 5% les chances de voir l'événement être organisé l'an prochain. En fait, les choses se sont précipitées les derniers temps alors que l'on a appris que Montréal C'est Électrique, l'organisme à but non lucratif créé pour gérer le ePrix 2017, est désormais dans la mire de la vérificatrice générale de la Ville de Montréal pour de possibles irrégularités au contrat donné à Evenko pour la gestion commerciale, qui fut un échec retentissant, de l'événement. Evenko a reçu le contrat sans appel d'offres, ce qui est légal dans la situation de Montréal C'est Électrique (les compagnies à but non lucratif ne sont pas obligées d'aller en appel d'offres), mais les dépenses globales (on parle de perte sèche d'environ 20 millions !) suscitent bien des interrogations.

Outre ces sujets strictement politiques dont l'administration Coderre avait habitué les citoyens, Montréal C'est Électrique doit encore des millions de dollars en frais de sanction de l'édition 2017 au promoteur de la Formule E. Or, l'entreprise aurait d'ores et déjà utilisé la marge de crédit mise à sa disposition par la Ville de Montréal (10 millions), en plus de son budget alloué pour l'édition 2017. Comment dès lors envisager pouvoir payer la FE ? Pas avec les entrées d'argent qui étaient espérées pour l'édition 2018 en tout cas, puisque les gouvernements hésitaient à poursuivre leur implication et que le commanditaire-titre, Hydro-Québec, n'avait, selon nos sources, pas non plus l'intention de renouveler sa commandite de 850 000 $.

Par conséquent, la Ville de Montréal se serait entendue (nous utilisons le conditionnel car l'annonce officielle interviendra cet après-midi) avec les dirigeants de la Formule E pour ne pas organiser l'édition 2018, mais la porte serait entr'ouverte pour un retour de la série en juillet 2019 sur le circuit Gilles-Villeneuve ! Cet arrangement permettrait d'éviter à la Ville de devoir payer un important dédit à la FE pour bris de contrat. En reportant "officiellement" l'édition 2018, cela permet aussi d'envisager pouvoir négocier une nouvelle entente, moins coûteuse.

La Ville de Montréal à l'époque de Denis Coderre avait signé un contrat de 24 millions de dollars, réparti sur 3 ans, pour frais de sanction avec la Formule E. Soit 8 millions par année. Un montant astronomique quand on sait que la très grande majorité des autres événements de FE dans le monde sont gérés par les organisateurs de la série, faute d'avoir pu trouver des ententes avec des promoteurs locaux. Montréal était le seul endroit au monde à payer aussi cher pour cette série de sport automobile, dont nous avons apprécié la venue au Québec à titre de média de sport automobile, qui est surévaluée par rapport à ses véritables retombées. Ce championnat attire présentement une poignée de spectateurs et aucun touriste dans la majorité de ses événements. C'est surtout une vitrine pour des manufacturiers à la recherche de série de sport automobile peu coûteuse (en comparaison des véritables championnats du monde comme la Formule 1, le WRC ou l'Endurance par exemple) qui donne bonne conscience écologique.

Le site même pour présenter la Formule E à Montréal représentait aussi un dossier bien compliqué pour la nouvelle administration municipale. En effet, la mairesse Valérie Plante avait indiqué en campagne électorale souhaiter que l'événement ait lieu au circuit Gilles-Villeneuve. Mais comme Pole-Position Magazine l'avait déjà révélé, il est impossible de faire rouler des Formule E, des monoplaces lourdes, peu puissantes et dont l'autonomie des batteries est très faible, sur le tracé actuel de 4,4 km. Cela a d'ailleurs été reconfirmé aux médias par les dirigeants du parc Jean-Drapeau lors de la conférence de presse tenue jeudi dernier, annonçant les nouvelles infrastructures du circuit Gilles-Villeneuve, qui sera en plein travaux en juillet prochain, à la date prévue du ePrix 2018. Une conférence de presse où l'on notait d'ailleurs l'absence de tout représentant de la nouvelle administration de la Ville de Montréal, qui investit pourtant 30 millions dans ces nouvelles infrastructures...

En repoussant l'idée de présenter le deuxième ePrix de Montréal en 2019, on se donne ainsi la possibilité de créer éventuellement une passerelle passant à l'ouest du casino, qui permettrait d'avoir ainsi un tracé d'environ 2,2 km du circuit Gilles-Villeneuve, que les FE pourraient utiliser. De quoi supprimer ainsi les désagréments pour les citoyens et commerçants d'une piste en plein centre-ville comme ce fut le cas en juillet dernier.

De l'argent dû aux organisateurs de la série, des budgets épuisés, pas d'endroit pour présenter l'événement en 2018, pas de volonté politique de poursuivre avec cette épreuve, des commanditaires - déjà rares - qui avaient laissé entendre qu'ils allaient se retirer... Comment aurait-on pu croire que le ePrix de Montréal 2018 allait avoir lieu ? La décision de la Ville de Montréal est donc logique.

La seule manière de sauver cet événement en 2018 aurait sans doute été de le déplacer dans une autre ville canadienne que Montréal... Plus que Toronto qui a déjà l'IndyCar, Québec aurait été une solution intéressante car, depuis la fin du Rallye International de Québec en 2003, plus aucun événement majeur de sport automobile n'y a eu lieu. Mais cela serait passé par trois conditions : entrée gratuite pour tous les spectateurs, frais de sanction pris intégralement en charge par la Formule E au lieu d'être facturés à l'administration municipale, et gestion complète de la partie sportive par une organisation expérimentée. Il y avait certes plusieurs personnes très compétentes en matière de sport automobile dans l'organisation du ePrix de Montréal 2017, ce fut même le seul véritable aspect qui a bien fonctionné dans cet événement, mais elles n'avaient pas assez de pouvoir décisionnaire.

On peut regretter la fin prématurée du ePrix de Montréal en tant que passionnés de sport automobile. Mais dans la manière dont cet événement fut imposé aux citoyens et face aux coûts exorbitants qu'il a entraîné, ce n'est ni une surprise ni une déception qu'il n'y ait pas d'édition 2018. En 2019, si l'ePrix de Montréal est de retour au calendrier, Porsche et Mercedes seront présents dans la série. Elle aura peut-être alors davantage de crédibilité, de prestige sportif et on pourra alors espérer que le dossier soit mieux géré par les instances municipales.